La Méditerranée est-elle le premier des théâtres géopolitiques ?

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La Géopolitique : bref mais essentiel rappel sémantique et théorique

En le réduisant usuellement à un synonyme des relations internationales ou de la diplomatie, nous oublions aujourd’hui bien trop souvent le sens littéral et premier du terme géopolitique : l’étude des rapports entre les données géographiques et la politique des États (1)

En effet les données géographiques ont un impact majeur et déterminant sur les politiques que conduisent les États, en particulier en matière militaire et de relations internationales, à un tel point même que certains auteurs comme Mackinder n’ont pas hésité à en faire l’un des facteurs déterminants dans la formation des États. (2)

Il est logique, et historiquement vérifié, que certains terrains constituent un frein aux déplacements humains, et donc à l’expansion étatique, et dans le sens inverse abritent ces mêmes États des menaces extérieures (Le terme État étant entendu ici, certes abusivement, comme toute entité politique unitaire contrôlant un espace géographiquement délimité). Une rapide observation de la France ou de la plupart des cultures (et donc bien souvent des États qui leurs correspondent) suffit pour constater que leurs frontières, limites politiques par excellence, correspondent bien souvent à des fleuves, mers ou montagnes, limites géographiques par excellence.

Il ne faut cependant pas réduire la géopolitique au simple constat de multiples limites à l’activité et l’expansion politique : ces mêmes caractéristiques géographiques ont bien souvent eu un rôle changeant, ambigu, complexe. Tel est le cas de la Méditerranée, dont le nom même renvoie à ces multiples rôles : Mare medi terra, mer au milieu des terres, au sens de l’ensemble du monde connu pour les anciens. Mer qui sépare les terres donc, mais également mer qui se définit par rapport à ces dernières, qui les lie, qui incarne leur unité, le centre du monde en somme.(3)

Il est ainsi intéressant d’observer quelle influence titanesque cette si petite étendue d’eau (0,66% de la surface maritime planétaire) a eu et a encore sur l’activité politique, économique et humaine mondiale, et en particulier sur les tensions qu’elle peut générer et héberger.(4)

Cet article n’a pas prétention à dresser un tableau exhaustif de la situation actuelle et passée d’une des régions les plus complexes du globe, ce à quoi une vie ne suffirait pas, mais il vise humblement à fournir quelques clés d’analyses et une brève présentation des principales dynamiques à l’œuvre dans le bassin méditerranéen entendu au sens large (Comprenant donc les pays ayant une façade sur cette mer mais aussi ceux y ayant des activités politiques ou y étant historiquement liés).

Méditerranée-Enjeu ou Méditerranée-Frontière : perspectives historiques

L’histoire méditerranéenne est donc évidemment trop longue et trop complexe pour en dresser ici un parfait tableau, cependant s’intéresser à certains éléments, certaines constantes, semble essentiel pour comprendre les enjeux et conflits actuels, et l’on peut ainsi dans cette démarche dégager deux visions, deux rôles essentiels de cet espace déterminants pour son évolution passée et présente.

Méditerranée-Enjeu : la course au contrôle

La première de ces visions à apparaître historiquement est celle de la Méditerranée-enjeu, c’est-à-dire perçue comme un élément géographique facilitant le développement humain, par conséquent générateur de rivalités pour son contrôle, et donc de divisions politiques. (À l’exception notable de l’unique période d’unité qu’elle a connu sous l’empire romain la Méditerranée a ainsi toujours été divisée). Elle a ainsi été, depuis l’époque des 1ères civilisations, un centre commercial de premier ordre, et même presque constamment le premier d’entre tous jusqu’au XV-XVIèmes siècles et le développement des routes commerciales de la Baltique et de la Mer du Nord puis celui des liaisons avec le nouveau monde et les colonies qui l’ont vu perdre de son importance stratégique.

Or qui dit commerce dit richesses, et qui dit richesses dit concurrence pour la possession de ces dernières. Ce n’est ainsi pas un hasard si c’est en Méditerranée que sont nées la plupart (et les premières) des grandes Thalassocraties : Minoens, Phéniciens, Athènes, Venise, Gênes ou encore l’Ordre de Malte même en un sens, qui malgré de faibles emprises géographiques ont souvent réussi à tenir tête à des puissances continentales bien plus peuplées et riches grâce à l’immense richesse qu’ils tiraient de la maîtrise de ces voies de commerce. Et cela même à des époques où la terre via l’exploitation agricole était perçue comme unique réelle source de richesses. (5)

Au-delà des enjeux commerciaux il ne faut pas non plus oublier ceux en lien avec les ressources naturelles, qui s’ils ont historiquement été plus minimes, apparaissent comme de plus en plus centraux avec les récentes découvertes de gisements offshore d’énergie fossile en Méditerranée orientale.(6)

Méditerranée-Frontière : la schizophrénie d’un espace tout aussi divisé que lié

Mais cet malgré son importance historique, cet aspect ne semble pas constitutif d’une exception méditerranéenne, et d’autres nœuds commerciaux pourraient tout à fait être décrits par une analyse similaire. La singularité de l’espace Méditerranéen vient en effet en réalité de son second rôle, celui de frontière. Cette frontière, parfois qualifiée de fracture méditerranéenne, a été parfaitement résumée par le philosophe et sociologue Edgar Morin, qui la définissait comme étant une « ligne sismique partant du Caucase et s’avançant en Méditerranée, concentrant en elle de façon virulente l’affrontement de tout ce qui s’oppose sur la planète : Occident et Orient, Nord et Sud, islam et christianisme, laïcité et religion, fondamentalisme et modernité, richesse et pauvreté ». Les clivages entre les deux rives sont très puissants et ont historiquement tourné à l’avantage de la rive nord, entraînant une très forte attraction vers cette dernière.

Ces clivages restent cependant à relativiser, car si l’existence d’une civilisation méditerranéenne à proprement parler semble discutable, des siècles d’histoire commune, d’invasions, de colonisation et d’échanges ont généré de fort liens entre les différents rivages de cette mer : liens génétiques certes mais aussi et surtout culturels (Un Sicilien se sent-il ainsi réellement plus proche d’un Norvégien, tout européen qu’il soit, que d’un Tunisien ?). L’espace méditerranéen  s’est ainsi forgé une identité propre, schizophrène en un sens, coincée entre ces fractures et ces liens multiples (L’historien Fernand Braudel parlait même d’une temporalité propre à cet espace, en mettant en avant, suivant la logique de l’Ecole des Annales, les liens entre les temps géologiques ou économiques plus long, et le temps « court » des événements humains de l’histoire traditionnelle).(17)

Et cette identité méditerranéenne, qui pourrait sembler au premier regard très symbolique, a en réalité un impact fort sur les dynamiques géopolitiques actuelles en Méditerranée. L’on constate que des liens spéciaux existent entre certains pays, découlant de cette histoire mutuelle, qui se traduisant concrètement par une immigration sud-nord particulièrement importante et dans le sens nord-sud par une influence et présence économique plus importantes. L’exemple Franco-Marocain semble ainsi particulièrement clair, avec une forte diaspora marocaine en France à laquelle répondent un nombre important d’expatriés et une forte implantation des entreprises françaises dans le pays, l’inauguration de la première ligne de TGV d’Afrique entre Tanger et Casablanca, de construction et de financement largement français, n’était que l’illustration la plus récente de cette « relation spéciale ». Il est également à remarquer que les décideurs politiques sont tout à fait conscient de ces liens particuliers, en témoigne la visite « personnelle » d’Emmanuel Macron au Maroc dès le mois suivant son élection(18) (19)

Enfin il est assez intéressant de constater qu’historiquement ces deux caractéristiques de frontière et d’enjeu, constituant les principales sources de conflit en Méditerranée, ont prédominé successivement, jusqu’au milieu du XXème siècle à partir duquel elles ont commencé à s’exprimer de façon forte et conjointe. L’on observe par exemple qu’à la suite de la perte d’intérêt (à relativiser pour les pays du sud de l’Europe cependant) de l’Europe pour la Méditerranée aux XV et XVIème siècle, les conflits, contrairement à ce à quoi l’on aurait pu s’attendre, n’ont pas décru mais se sont au contraire intensifiés, non plus tant pour des raisons économiques mais pour des motivations religieuses (En témoignent l’importance du nombre de vaisseaux alignés par les deux camps à la bataille de Lépante en 1571), voilà la parfaite illustration du passage d’une ère où la Méditerranée, auparavant surtout enjeu, est principalement devenue une frontière.(7)

Le XXIème siècle : nouvelles fractures et nouveaux horizons stratégiques

Après la fin du XXème siècle qui avait vu la Méditerranée qualifiée de Lac de l’Otan, dans sa période la plus calme et proche d’une certaine unité depuis presque deux millénaires, le début du 3ème millénaire contraste au contraire par son “dynamisme“ et les intenses rivalités politiques, militaire et économique qui s’expriment dans l’espace méditerranéen. Il est d’ailleurs remarquable que pour la première fois depuis longtemps (si ce n’est depuis toujours), ces conflits soient nourris tant par la vision de la Méditerranée-Enjeu que par celle de la Méditerranée-frontière.

Cette dernière a été la première à resurgir, aucun acteur n’étant jusqu’à récemment capable de concurrencer ou menacer sérieusement le monopole américano-otanien dans l’accès aux ressources méditerranéennes. A l’inverse la montée du fondamentalisme islamique, en particulier depuis le 11 septembre, et la boucle d’évènements ; qui n’est que malheureusement trop connue ; qui en a résulté, a tendu à raviver les fractures civilisationnelles, culturelles et religieuses du bassin méditerranéens (Renvoyant à une vision de choc civilisationnel, chère à Huntington). Fractures qui s’étaient pourtant relativement atténuées et refermées avec la colonisation de la rive sud par le nord au XIXème siècle (Et une homogénéisation, certes relative mais cependant existante, des cultures qui en avait suivi), ainsi que par le déclin et la mort de l’empire Ottoman, consacrant la victoire, au moins symbolique, du nord occidental.

Aujourd’hui, la Méditerranée, en particulier avec la crise migratoire, le printemps arabe, la guerre civile syrienne, la poussée de partis identitaires sur les 2 rives (Au nord Aube Dorée en Grèce ou le MS5 en Italie, au sud des partis islamistes comme Ennadha en Tunisie ou le virage anti-laïque assumé d’Erdogan en Turquie) et les attentats islamistes en Europe Occidentale, est (re)devenu le principal théâtre d’expression de ces passions et divisions.

Les errements des puissances traditionnelles

Jusqu’à maintenant la réponse des acteurs du nord du bassin méditerranéen face à ces nouvelles problématiques a été très limitée dans ses ambitions, moyens et résultats. Divisés, ils semblent se limiter bien souvent à des solutions de réaction, relativement court-termistes, en raison de leur incapacité manifeste à se mettre d’accord sur des projets plus ambitieux.

Cela est particulièrement visible sur le dossier Syrien, où malgré toute l’agitation des chancelleries européennes, Bachar El-Assad est, après 8 années de guerre civile, toujours au pouvoir et bien parti pour y rester. Concernant la crise migratoire, malgré quelques succès suite à des mesures très strictes (et très contestée au sein même de l’UE, nouvelle preuve s’il en est de la difficulté de la prise de décision au niveau européen), et via des accords avec la Turquie et ce qui reste de l’État Libyen. Les européens affichent sans les dissimuler leurs divisions, les pays le plus au sud, en première ligne, reprochant ouvertement aux pays plus au nord –et plus riches– leur manque de soutien supposé, sur fond de fortes division au sein même des sociétés sur les questions méditerranéennes depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

On peut également remarquer que l’Union pour la Méditerranée (UpM) regroupant États européens et États du sud de la région, projet lancé en 2008 et qui s’inscrit dans la suite du processus de Barcelone de 1995, qui a été largement soutenu et initié par la France, rencontre de forts freins. L’Espagne et l’Italie voient d’un mauvais œil le leadership français en la matière, et des rivalités et tensions latentes entre pays du Sud pour des raisons historiques, culturelles, religieuses et économiques, la crise économique de 2008 ou encore le Printemps arabe sont venus empirer la situation. Son bilan est de fait assez décevant, l’action de l’UpM restant relativement inefficace au regard des objectifs affichés (croissance, stabilité, développement du commerce et sécurité notamment) (3)(8)

Parmi les européens, le Royaume-Uni, puissance historiquement influente dans la région, et qui maintient sa présence via les avant-postes très stratégiques que sont le rocher de Gibraltar et ses bases militaires chypriotes, semble s’être largement désintéressé de la région au profit de questions plus “métropolitaines“ comme le Brexit où les migrations transmanche.

Il ne faut évidemment pas oublier les États-Unis, autre acteur traditionnel de la région depuis le XIXème siècle, qui maintiennent une forte présence via leur 6ème flotte et ont jusque-là été l’un des principaux moteurs des actions Occidentales (Aux conséquences parfois désastreuses, comme la déstabilisation générée par l’intervention en Lybie de 2011). Le Président Trump a cependant, dans le cadre de sa politique centrée sur l’Amérique, et dans la lignée du recentrage stratégique vers l’Asie commencé sous l’administration Obama, annoncé le retrait de toutes les troupes américaines en Syrie, marquant un potentiel (et relatif) désengagement des américains de la région.(9)

À nouveaux enjeux, nouvelles alliances

Au-delà de ces nouveaux problèmes en lien avec les fractures traditionnelles qu’incarne la Méditerranée, la mondialisation et la découverte de nouvelles ressources ont renforcé son rôle stratégique (L’on retrouve ici la vision de la Méditerranée-Enjeu), entraînant des changements remarquables dans l’équilibre géopolitique de la région.

D’une part le développement d’internet et les quantités toujours plus importantes de données en circulation ont nécessité la pose de câbles sous-marins toujours plus nombreux. La valeur stratégique de ces câbles, tant pour leur rôle économique, militaire ou les renseignements de haute valeur qui y transitent est évidente (D’autant plus que leur sécurité est très complexe à assurer), et la Méditerranée, de par sa situation géographique, en concentre un nombre incroyablement important.(10) De même près de 25% du commerce maritime mondial passe par la Méditerranée, commerce à l’importance vitale au vu de la dépendance des économies mondialisées envers ce dernier.(11)

Un autre facteur encore plus influent dans le renouveau stratégique de la Méditerranée a été la découverte, dans sa partie orientale, d’immenses ressources de gaz offshore (sans parler des ressources d’hydrocarbures déjà connues dans des pays du bassin méditerranéen), au large d’Israël, du Liban, de l’Égypte, de la Grèce et de Chypre notamment.

Cette découverte a entraîné une importante modification de la donne géopolitique dans la partie orientale de la région, avec notamment un renversement d’alliance de la part d’Israël, qui entretenait des relations relativement correctes avec la Turquie (Sous le patronage bienveillant des États-Unis), et s’est finalement rapproché de la Grèce et de Chypre, rivaux historiques de la Turquie, afin de mieux profiter de l’exploitation de ces importants gisements. Ce changement a d’ailleurs été soutenu par l’Union-Européenne, qui voit d’un œil favorable le projet de gazoduc défendu par le nouveau trio Israël-Chypre-Grèce vers l’Europe, qui lui permettrait d’être moins dépendante de la Russie pour son approvisionnement.(6)

Succès stratégiques russes

Attirées par les nouvelles ressources qu’offre la Méditerranée et toutes deux en pleine montée en puissance sur le plan international en comparaison de l’immobilisme relatif des occidentaux, l’on observe que la Russie et dans une moindre mesure la Chine acquièrent une très forte influence, en particulier en Méditerranée orientale.

La Russie a depuis le début du conflit syrien, où elle fournit un soutien massif et affiché au régime de Bachar El-Assad en partenariat avec l’Iran, considérablement renforcé sa présence dans la région. Le conflit s’est ainsi largement cristallisé autour de l’opposition entre d’une part les Forces Démocratiques Syriennes (FDS, très largement composées de groupes islamistes ou rigoristes) et les Kurdes relativement soutenus par l’UE, Israël, les pays de la péninsule arabique et les États-Unis, où les intérêts économiques et stratégiques de l’Ouest ont rejoint ceux des États Sunnites, et d’autre part le régime syrien en place soutenu par une alliance dirigée par la Russie, avec l’Iran et le Hezbollah libanais (et globalement les forces shiites de la région). On remarquera également le rôle ambigu de la Turquie, membre de l’Otan qui s’est cependant sensiblement rapprochée de la Russie (En raison de la question kurde notamment).

Sur les conséquences purement méditerranéennes de cette alliance, l’on constate que, le sort de la guerre étant largement favorable au régime syrien, la Russie a pu, en échange de son soutien à ce dernier, réaliser un rêve stratégique hérité des tsars, vieux de plus de 2 siècles : celui d’une ouverture sur les rivages méditerranéens, en recevant en concession la base de Tartous sur les côtes syriennes, base qu’elle a sensiblement agrandie et renforcée.(12)

On notera d’ailleurs que la Russie affirme clairement sa volonté d’apparaître comme un acteur majeur en Méditerranée, et a ainsi mené une série d’exercices militaires de grande ampleur en septembre 2018, qui tendaient à démontrer sa capacité à interdire l’accès aux flottes occidentales de la Méditerranée orientale (Sur une ligne Turquie-Chypre-Égypte, notamment grâce aux formidables développements qu’ont connu ces dernières années les systèmes antiaériens et les missiles antinavires, remettant en cause la suprématie totale aérienne et navale dont avait pu bénéficier l’Otan).

Il va de soi qu’au-delà de l’interdiction d’une intervention massive en Syrie des occidentaux (Résultant non pas tant d’une impossibilité stricto sensu mais du risque d’escalade et du coût humain et matériel d’une telle action), un tel blocus perturberait très largement l’approvisionnement de l’Europe, notamment en hydrocarbures (Ces derniers, en provenance de la péninsule arabique, transitant en grande partie par le canal de Suez).(13)

L’hypothèse peut d’ailleurs être formulée qu’au-delà de leur utilisation par la Russie, ces nouvelles technologies d’interdiction d’accès à un espace aérien ou maritime, en permettant à des armées de dissuader suffisamment un ennemi, même disposant de moyens bien supérieurs, via le risque pour lui de perdre ses aéronefs et navires dans la zone en question, vont fortement limiter les possibilités d’intervention non consenties d’une puissance extérieure (ou du moins augmenter leur coût humain et matériel). La Turquie a par exemple annoncé la commande de systèmes antiaériens russes S-400 à l’horizon 2019.(14)

Affirmation chinoise

On peut également remarquer parmi ces nouveaux acteurs le cas de la Chine, qui pourrait pousser son projet des nouvelles routes de la soie (Ensemble d’infrastructures, de contrats, concessions et accords commerciaux à travers l’Asie) jusqu’aux rivages de la Méditerranée. Et malgré une neutralité ou du moins absence de réaction ou engagement affiché en Méditerranée, cette dernière a récemment ouvert une vaste base navale à Djibouti (au sud de la Mer Rouge, autant dire aux portes de la Méditerranée) et a conduit en son sein une série d’exercices conjoints avec la Russie en 2015, très largement publicisés. Cela dit on peut se demander si ces mouvements appellent à une stratégie consciente et précise d’influence dans la région ou relève juste de la volonté de la Chine de s’afficher comme une puissance d’ordre mondial en démontrant sa capacité à intervenir en tout point du globe.(15) (16)

On peut également penser que, sa reconstruction nécessitant des fonds très importants que ses alliés Russes et Iraniens sont incapables de lui fournir, et sur lesquels les Européens n’arrivent pas à s’accorder (sans parler des États-Unis), la Syrie se tourne vers la puissance financière chinoise. La question reste cependant en suspens dans la mesure où l’aide de la Chine n’est jamais gratuite, et que les principales ressources naturelles syriennes ont déjà été concédées aux alliés russes et iraniens.(12)

En conclusion, force est de constater que le relatif vide stratégique créé par l’indécision européenne et le désengagement américain en Mer Méditerranée font de cette dernière un océan d’opportunités dont profitent les puissances émergentes, attirées par de multiples ressources et par la quantité infinie d’alliés potentiels créée par les multiples fractures politico-culturelles de cet espace. Et il n’est pas certain que si cette trajectoire se poursuit l’Europe et la France bénéficient encore, à l’horizon 2050, de la même influence politique, culturelle et stratégique dont elles disposent aujourd’hui, la passivité n’étant pas vraiment une vertu en matière géopolitique…

Sources

1 – Larousse, É. (2019). Définitions : géopolitique – Dictionnaire de français Larousse. (https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/g%C3%A9opolitique/36712)

2 – Mackinder, H.J. « The geographical pivot of history ». The Geographical Journal, 1904, 23, p. 421–37.

3 – Célérier, J., Conférence, Géopolitique Méditerranéenne, le facteur humain

4 – Manon, P. (20 janvier 2000), Qu’est-ce que la mer Méditerranée ?, (www.polmar.com)

5 – Atlas Historica (2010), Éditions Place des Victoires

6 – Le Dessous des cartes, Méditerranée : les batailles du gaz, émission du 3 mai 2014

7 – Jurien de la Gravière, E. (1888), La guerre de Chypre et la bataille de Lépante, Éditions Laville, p°210-218

8 – Union for the Mediterranean – UfM website. (2019), (https://ufmsecretariat.org/)

9 – Sixième flotte des États-Unis. (2019) (https://fr.wikipedia.org/wiki/Sixi%C3%A8me_flotte_des_%C3%89tats-Unis)

10 – Genevois, S. (2018). Les câbles sous-marins, enjeu majeur de la mondialisation de l’information. (http://cartonumerique.blogspot.com/2018/04/les-cables-sous-marins-enjeu-majeur-de.html)

11 – Delorme, F. (2018). Mer Méditerranée : Mare… nostrum ? (2/4) : Batailles navales : le nouveau Grand Jeu, France Culture, (https://www.franceculture.fr/emissions/cultures-monde/mer-mediterranee-mare-nostrum-24-batailles-navales-le-nouveau-grand-jeu)

12 – Lévêque, A. , M. 2018, Le conflit syrien sous le prisme de la gestion de crise effectuée par le régime de 2011 à nos jours (Mémoire de Maîtrise inédit), Université Paris-Nanterre

13 – Leulier de la Faverie du Che, C-H. (Préfet Maritime de la Méditérannée), conférence, Enjeux et perspectives du théâtre méditerranéen, 20 octobre 2018

14 – La Turquie achète des armes à la Russie. (2017), Le Figaro, (http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2017/09/12/97002-20170912FILWWW00075-la-turquie-achete-des-armes-a-la-russie.php)

15 – Le Belzic, S. (2017), Djibouti, l’avant-poste militaire de la Chine en Afrique, Le Monde (https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/07/17/djibouti-l-avant-poste-militaire-de-la-chine-en-afrique_5161535_3212.html)

16 – Russie et Chine effectuent des exercices en Méditerranée. (2015), Russia Today (https://francais.rt.com/international/2474-russie-chine-exercices-conjoints-mediterranee)

17 – Braudel, F. ,La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, (1949)

18 – Béziat, E. (2018), Le Maroc inaugure le premier TGV d’Afrique, made in SNCF, Le Monde (https://www.lemonde.fr/entreprises/article/2018/11/15/le-maroc-lance-le-premier-tgv-africain-made-in-sncf_5383754_1656994.html)

19 – Semo, M. , (2017), Emmanuel Macron au Maroc pour « une visite personnelle », Le Monde Afrique (https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/06/13/emmanuel-macron-au-maroc-pour-une-visite-personnelle_5143845_3212.html)

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