BREXIT : Tony Blair, ou les difficultés rencontrées par le plus européen des premiers ministres

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« Je suis passionnément pro-Européen, je l’ai toujours été », c’est ce que le Premier Ministre Tony Blair avait déclaré lors de son discours au Parlement Européen en 2005. Le vote du Brexit onze ans plus tard semble avoir sonné le glas de cette passion. La question se pose comme en thérapie de couple : comment en est-on arrivé là ? Il s’agit de revenir sur la gouvernance du New Labour, avec son Premier Ministre emblématique Tony Blair qui demeure le plus européen des premiers ministres britanniques. En effet, aucun de ses prédécesseurs – même Gordon Brown – ne montrera un attachement aussi fort à l’Europe. L’analyse des choix faits à deux moments clés sélectionnés que sont la guerre d’Irak et le vote du Traité Européen permettent de mettre en exergue les divisions qui ont précédé le Brexit.

Donald Rumsfeld, le Secrétaire de la Défense américaine, avait partagé lors d’une interview le 22 janvier 2003 sa théorie d’une « vieille Europe » incarnée par la France et l’Allemagne et d’une « nouvelle » dont la Grande-Bretagne fait partie. Selon lui, les États-Unis ne sont pas intéressés par la vieille Europe, c’est avec la nouvelle qu’ils veulent échanger sur la scène internationale. Il opère cette distinction alors que les pays de l’Union européenne ne sont pas unanimement d’accords sur une intervention militaire pour renverser le régime de Saddam Hussein. Tony Blair a fait le choix de rejoindre George Bush dans la coalition militaire, laissant les Européens aux applaudissements pour le célèbre discours de Villepin à l’ONU. Il décide ainsi de privilégier cette « relation spéciale » qui lie les Britanniques aux Américains, dont le ciment est notamment une rhétorique commune sur le fait de diffuser un modèle démocratique et libéral, de « combattre pour garder le commerce mondial ouvert ».

L’engagement dans la guerre en Irak marque un tournant au sens où après cet événement, Tony Blair se détournera de l’Europe et sera plus concentré sur les questions domestiques. « Je ne pratique peut-être plus la médecine, mais je sais reconnaître un cadavre quand j’en vois un, et cette constitution est un cas pour la morgue si jamais j’en vois une », c’est ce qu’a déclaré le Docteur Liam Fox, Secrétaire de la défense du parti d’opposition, le 6 juin 2005 concernant la Constitution européenne. En 2004, Tony Blair avait annoncé un référendum pour ratifier la Constitution européenne qu’il avait signée. Il s’agissait d’une manœuvre politique : neutraliser la Constitution comme enjeu des élections de 2005. En effet, celui qui est parvenu à cumuler trois mandats de Premier ministre, avait conscience que le climat n’était pas favorable au « oui ». Il s’agissait donc d’attendre le moment opportun. Néanmoins, les Français rejettent la Constitution le 29 mai 2005, suivis des Hollandais le 1er juin. Ces rejets, de pays pourtant réputés très pro-européens, seraient symptomatiques de peurs concernant la souveraineté et l’identité nationales, l’augmentation des législations européennes, le rythme de l’élargissement et la monnaie unique. Par conséquent, le gouvernement britannique annonce le 6 juin 2005 la suspension du projet de loi européen. Tony Blair s’attendait en effet aussi à un « non » lors du référendum et ne voulait pas risquer d’affaiblir son gouvernement. Le climat était donc déjà peu en faveur de l’intégration européenne.

Sources :

Blair, Tony. « Full Text: Tony Blair’s Speech to the European Parliament ». The Guardian, 23 juin 2005.

O’Meara, Dan, et Valeisha Sobhee. « Grande-Bretagne : La (re)construction d’une relation privilégiée ». Études internationales, vol. 35, no 1, 2004, p. 97‑124.

Bulmer, S. « New Labour, New European Policy? Blair, Brown and Utilitarian Supranationalism ». Parliamentary Affairs, vol. 61, no 4, juillet 2008, p. 597‑620

Miller, Vaughne. « The Future of the European Constitution ». House of Commons library, juin 2005.

 

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