Rubrique culturelle : guerre et mythologie, iconographie, symboles et architecture

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Dans sa nouvelle rubrique culturelle, l’antenne International Security and Defense vous propose de revenir sur trois incarnations symboliques de la guerre, dans différentes mythologies : la mythologie grecque, mésopotamienne, puis romaine.


Mythologie grecque

Divinité de la mythologie grecque protectrice de la ville d’Athènes, Athéna incarne de manière symbolique plusieurs disciplines, comme la guerre, la pensée, ou les armes ; ainsi que la sagesse. Athéna incarne également la victoire au combat, la stratégie guerrière, la réflexion, la prise de décision mûrement réfléchie avant le combat. C’est une figure largement invoquée dans la protection générale de la ville grecque : puisque dès l’Antiquité, l’idée de la protection militaire de la cité prend toute son importance dans les questions politiques de gestion dune ville. Pour certains mythologues, Athéna incarne une forme de combat axée autour de la protection, de la prévoyance, du respect de l’ordre et des règles guerrières.

Un des aspects les plus intéressants parmi les caractéristiques qui lui sont attribuées est la protection des artisans et des techniques, que l’on peut associer à l’ingénierie aujourd’hui.
Athéna enseigne dans certains récits, la conception de chars ou de navires.

La figure symbolique d’Athéna inspire aussi les auteurs philosophes, dès l’Antiquité, ainsi qu’au Moyen-Âge ou à la Renaissance. Dans la postérité, sa figure symbolique peut être utilisée politiquement, incarnant alors une organisation sociétale démocratique, dans laquelle les libertés individuelles sont garanties.


Dans l’art, Athéna a eu pour fonction de symboliser la paix ou la vertu. Certaines personnalités de l’Histoire ont souhaité prendre ses traits ou ses attributs afin d’être représentées selon des codes antiques guerriers.

Une des représentations les plus impressionnantes d’Athéna est une réplique de ce qu’on appelle «Athéna Parthénos», la statue d’Athéna qui se trouvait dans la Grèce antique, dans une des salles du Parthénon : monument situé sur l’acropole d’Athènes.

La statue originale de la divinité a disparu au cours de l’Histoire, et n’existe plus aujourd’hui. C’était une œuvre immense de plus de onze mètres, attribuée à Phidias, célèbre sculpteur de la période du premier classicisme grec. L’Athéna Parthénos n’était pas une statue de culte, mais une offrande faite à la ville d’Athènes. C’est Pausanias, géographe et voyageur de l’Antiquité qui laissera par écrit des descriptions détaillées de la composition du Parthénon d’Athènes, en révélant notamment l’extrême richesse et la signification de l’imagerie mythologique mise en œuvre pour le décor de cette statue colossale.

Plusieurs répliques de cette statue ont été réalisées dans l’histoire, comme certaines copies romaines conçues au Ier siècle avant J-C ; depuis les années 1990, une statue grandeur nature de cette Athéna Parthénos a été réalisée dans la réplique du Parthénon antique à Nashville aux États-Unis. La taille de la reproduction correspond à la taille de la statue de l’époque, onze mètres cinquante, et peut nous donner une idée de l’impressionnante statue qui siégeait au Parthénon d’Athènes.

Contrairement à la reproduction de Nashville, la statue originale antique en plus d’être démesurée, fût réalisée avec des matériaux précieux comme l’ivoire ou le cyprès selon la technique d’art du chryséléphantin : une technique de sculpture apparue en Grèce aux alentours du VIème siècle avant J.-C, se caractérisant par l’utilisation de plaques d’ivoire, pour représenter généralement le corps, et d’or véritable, le tout assemblé sur une armature de bois, selon les descriptions de l’époque, du cyprès.

Le bouclier d’Athéna, détail très intéressant de la création d’origine, devait aussi être impressionnant dans le Parthénon d’Athènes : on retrouve dessus une représentation de la bataille entre les Amazones et les Grecs, autour de la tête de Méduse, figure mythologique grecque également appelée Gorgone : dans la mythologie, sa tête tranchée par Persée conserverait ses propriétés de pétrification, et aurait été placée par Athéna sur son égide. Elle incarne une forme de protection contre « le mauvais œil » dans la postérité.


Mythologie mésopotamienne

Ishtar est une divinité reconnue par la « civilisation mésopotamienne » recouvrant les Assyriens, les Akkadiens et les Babyloniens : les habitants de ces trois régions appartenant à l’ancienne Mésopotamie antique (Proche-Orient antique). Cette divinité incarne de manière symbolique plusieurs disciplines, parmi lesquelles la guerre et le pouvoir politique. Elle sera invoquée par plusieurs dirigeants mésopotamiens de l’époque antique dans le but de faciliter leur règne. On retrouve dans cette symbolique mésopotamienne, un lien indéfectible entre la discipline guerrière et la légitimité à régner sur un royaume.

Déesse majeure du panthéon mésopotamien, Ishtar y incarnera le rôle de divinité souveraine, octroyant la royauté à celui qui l’invoque. Sa capacité à représenter le combat guerrier est renforcée par l’animal-attribut qui est le sien : le lion, qu’on retrouvera dans l’art qui lui est associé. Les représentations physiques de la déesse varient en fonction des régions du Proche Orient antique : c’est dans la région d’Akkad (basse Mésopotamie) qu’Ishtar sera représentée sous l’aspect le plus martial, avec de nombreuses armes. Pour les souverains de l’époque, elle avait aussi le pouvoir d’octroyer la victoire militaire.

Dans l’art, une des plus importantes réalisations de l’époque mésopotamienne est «la porte d’Ishtar», l’une des huit portes de l’ancienne cité de Babylone, réalisée en 580 avant J-C.

Cette porte est l’une des plus imposantes de l’ancienne cité antique, appartenant à la période néo-mésopotamienne. Le nom culturel de cette porte est significatif de la dimension guerrière prêtée à la divinité : « Ishtar est victorieuse de ses ennemis ».
La porte reconstituée à partir de briques vernissées originales, datant d’environ 2 600 ans avant notre ère, est conservée au musée de Pergame à Berlin.


Mythologie romaine

Mars est le dieu de la guerre par excellence dans la mythologie romaine. Il représente une divinité qui incarne la jeunesse, partie majoritaire des actifs de la société envoyée au combat. Il incarne aussi la « violence du combat », c’est-à-dire l’action guerrière qui débute une fois que la lance ennemie touche le sol convoité. Mars, à la différence d’Athéna par exemple, n’incarne pas la stratégie guerrière ou les démarches juridiques qui s’effectuent en amont du combat. Il n’incarne pas non plus systématiquement la victoire en tant que telle ; pour tenter d’être victorieux dans la Rome antique, on fait généralement appel à d’autres divinités que celle de Mars. Son culte est réalisé par les légions guerrières romaines, qui célébraient Mars à deux moments de l’année : au mois de mars évidemment, qui indique le début de la « saison guerrière », et au mois d’octobre qui incarne la conclusion de la saison des guerres de l’année en cours. Mars est donc aussi représentatif la saison du printemps.

Les représentations de Mars dans l’art se suivent assez bien, il sera souvent représenté sous l’aspect d’un homme armé, casqué, en costume de guerre, placé sur un char de guerre romain traîné par des chevaux. La place de Mars au combat n’étant ni en amont, dans la stratégie et réflexion guerrière, ni en aval au moment de la victoire : sa place est sur le champs de bataille au moment de l’action. C’est en ce sens que la dénomination « champs de Mars » sera souvent reprise pour nommer des lieux géographiques, comme le célèbre champs de Mars parisien, nommé ainsi pour sa situation géographie voisine avec l’École militaire. Espace dédié anciennement aux manœuvres militaires, on retrouve les nominations de « champs de Mars » dans plusieurs villes de garnison militaire.

Avant la Révolution française de 1789, le champs de Mars était un espace de campagne. «La plaine de Grenelle» était un espace consacré à la culture maraîchère ; c’est ensuite avec la construction de l’École militaire, par Gabriel en 1765, que sa destination militaire se figera. On trouvera au champs de Mars un champ de manœuvre initialement prévu au sud de l’École militaire, à l’emplacement actuel de la place de Fontenoy dans l’actuel 7ème arrondissement parisien.


Dans l’art, une des représentations les plus intéressantes de Mars, est celle réalisée dans le «salon de Mars» du château de Versailles, qui permet d’observer une représentation reprenant les codes romains d’un Mars jeune, casqué, et assis sur un char de guerre.

Ce salon a une place et signification particulière à Versailles, puisqu’il fait partie de ce qu’on appelle « le Grand appartement du Roi » ; ce salon servait de salle des gardes du temps où le château était occupé par Louis XIV. Chaque salon du château est réalisé sur le thème de la représentation d’un personnage mythologique : ainsi ce salon de Mars communiquait avec celui de Mercure (dieu du commerce dans la mythologie romaine), et le salon de Diane (déesse romaine de la chasse).

L’iconographie du plafond du salon de Mars est entièrement réalisée sur le thème guerrier ; on retrouve notamment une corniche dorée soutenue par des casques de tous modèles : des casques turcs, romains, etc. Mars est représenté sur un char tiré non pas par des chevaux mais par des loups : on retrouve souvent le loup dans la mythologie romaine, puisque dans certaines représentations romaines Mars pouvait prendre l’aspect d’un loup lui-même, et dans la légende de Romulus et Rémus, enfants de Mars, les deux enfants sont recueillis par une louve, après avoir été abandonnés.

Les quatre voussures d’or, encadrant la représentation centrale de Mars, mettent elles aussi en scène des moments de guerre de l’époque antique française, comme «Jules César passant ses légions en revue», ou «Marc Antoine récompensant un officier». D’autres éléments importants du salon : les écoinçons (bas-reliefs d’encadrement de la composition) représentent eux aussi des moments guerriers. Conçus par les frères Gaspard et Balthazar Marsy, travaillant à partir de certains dessins de Charles Le Brun, premier artiste peintre de Louis XIV, ils illustrent «la suprématie militaire de la France sur les puissances européennes».


Pour aller plus loin :

Installation d’une statue d’Athéna Parthénos dans le Metropolitan Museum of Art, de New York :
https://www.youtube.com/watch?v=uiBo_OB_toA

Sur la composition antique du Parthénon d’Athènes :
http://wp.unil.ch/chronozones/files/2013/07/Saget2005.pdf

Une visite 3D du Parthénon :
https://www.youtube.com/watch?v=y9zWmURQcyc

Sur les anciennes civilisations du Proche Orient antique :
« Atlas de la Mésopotamie » de Michael Roaf

Visiter le « Grand appartement du Roi » en ligne, sur le site du château de Versailles :
http://www.chateauversailles.fr/decouvrir/domaine/chateau/grand-appartement-roi#le-salon-de-venus


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