Quels sont les enjeux posés par la piraterie maritime ?

Quels sont les enjeux posés par la piraterie maritime ?

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Les enjeux stratégiques que représentent les espaces maritimes sont bien connus : ces espaces de liberté, qui abritent pour certains des ressources énergétiques convoitées, procurent aux États une chance d’exercer leur puissance. Par conséquent, les espaces maritimes sont le théâtre de violences multiples, à l’image de la piraterie maritime qui, depuis quelques années, connaît une recrudescence certaine, dans le golfe d’Aden principalement.

Qu’est-ce que la piraterie maritime ?

La piraterie, ou brigandage maritime, est définie par l’article 101 de la Convention de Montego Bay, signée en 1994, comme « tout acte illicite de violence ou de détention ou toute déprédation commis par l’équipage ou des passagers d’un navire ou un aéronef privé, agissant à des fins privés ». Tandis que le brigandage maritime se déroule principalement dans les eaux intérieures, les eaux archipélagiques ou encore la mer territoriale d’un État, la piraterie, elle, se déroule uniquement en haute mer.

La piraterie maritime prend indifféremment pour cibles des navires de commerce ou de pêche, mais aussi des bateaux de plaisance. En général, aucune attention particulière n’est portée au pavillon du navire attaqué, sauf si, comme c’est le cas au Nigéria, la piraterie maritime devient un acte politique. En prenant le contrôle des navires qu’ils attaquent, au cours d’une action plus ou moins violente selon les régions, les pirates modernes cherchent à s’approprier la cargaison qu’ils contiennent, dans sa totalité ou en partie, ou à obtenir une rançon en échange de la libération du navire et de son équipage.

Source : Hérodote, n° 134, La Découverte, 3e trimestre 2009

Depuis 2005, la piraterie maritime frappe majoritairement en Afrique et principalement dans les eaux territoriales de la Somalie et du Nigéria. En 2011, la Somalie, pays instable et touché par la famine, enregistre ainsi une hausse importante de cas de piraterie maritime : pétroliers, vraquiers ou cargos sont attaqués par les pirates somaliens, qui obtiennent en mai 2011 une rançon de 7 millions de dollars pour la libération de deux officiers marins espagnols. En 2019, 360 nouveaux cas de piraterie sont recensés dans le monde, un chiffre stable par rapport à l’année précédente, mais qui reste toutefois inquiétant.

Comment expliquer la piraterie maritime ?

Les raisons structurelles permettant d’expliquer ce regain de la piraterie maritime sont à chercher principalement dans la pauvreté et l’instabilité des pays d’origine des pirates. Cette situation, combinée au développement du commerce, à l’exploitation des ressources maritimes et à la prolifération des armes à feu, permet d’expliquer des actes qui se concentrent aujourd’hui principalement le long des côtes africaines : le Bureau maritime international avance ainsi que, depuis 2008, 65% des actions de piraterie menées dans le monde se sont déroulées dans cette zone géographique précise. Chose curieuse à première vue, puisque les côtes africaines ne sont pas propices à la piraterie maritime : elles ne présentent ni îles, ni archipels, ou baies, mais des passages étroits et fortement empruntés par les navires internationaux.

Au Nigéria, la piraterie est devenue un acte politique et s’est organisée : apparue avec l’essor du commerce pétrolier dans les années 1970, elle devient, dans les années 1990, un moyen de faire pression sur les autorités nigérianes, dans un contexte de détérioration du climat social.

Quels sont les risques posés par la piraterie maritime de nos jours ?

En Somalie aussi, la piraterie devient politique dès 1989, lorsque le Mouvement national somalien se rebelle contre le gouvernement militaire de Siyyad Barre. Avec le soutien de l’Ethiopie, le groupe mène plusieurs attaques maritimes : détournement de 4 navires, puis du pétrolier italien Kwanda. Ils se procurent ainsi les ressources financières nécessaires à leur cause, et entraînent l’effondrement du pouvoir étatique du pays. Depuis, l’insécurité maritime au large des côtes maritimes n’a fait que se détériorer, notamment à cause de la pêche illicite, administrée par des groupes armés dans la ZZE maritime somalienne.

C’est là le principal risque posé par la piraterie maritime : elle entraîne une déstabilisation des régions dans lesquelles elle sévit, d’un point de vue politique et commercial à la fois. En effet, la piraterie maritime entraîne des troubles dans les mécanismes d’imports-export sur des routes maritimes cruciales, notamment celles permettant la circulation d’énergies premières, telles que le gaz ou le pétrole. Il devient dès lors nécessaire de sécuriser les zones les plus touchées, par l’envoi de « marines de guerre » par les États dont les intérêts sont trop importants sur ces routes.

Les profils des pirates sont divers : alors que certains sont pour la plupart des pêcheurs poussés à la piraterie, d’autres servent de véritables atouts pour le terrorisme islamiste, qui s’appuie sur la capture de certaines cargaisons, telles que celle du navire ukrainien le Faïna, en 2008-2009, qui contenait 33 chars T-72, plusieurs tonnes d’armes ainsi que des équipements militaires et des systèmes d’armes.

Quelle réponse est apportée pour contrer cette menace ?

Répondre à la menace posée par la piraterie maritime suppose de faire face à des ennemis bien préparés et équipés. La riposte est difficile, car il n’est pas aisé d’anticiper les abordages, effectués le plus souvent de nuit et en haute mer. De plus, les pirates sont souvent équipés de matériels et d’équipements inhérents aux nouvelles technologies, et bénéficient de la rapidité de leurs embarcations, de petites tailles et motorisées. Le droit de la mer est l’un des autres freins à la lutte contre la piraterie maritime : en France par exemple, toutes les dispositions inscrites dans la convention de Montego Bay ne le sont pas dans le droit interne. Face à la souveraineté des gouvernements somaliens ou indonésiens par exemple, comment agir pour lutter contre la menace maritime sans créer de tensions diplomatiques ?

L’arme principale des Etats engagés dans la lutte contre la piraterie maritime sont les forces spéciales : leur formation pointue et leurs modes d’actions sont particulièrement adaptés pour des opérations de coercition tout en finesse (modulable, parcimonieuse et affinée). Leur souplesse et leur capacité d’adaptation permanente en font les atouts ultimes de la France, avec ses commandos marine, et des Etats-Unis (les SEALs sont fréquemment appelés). En avril 2008, ce sont des membres du Commando Hubert qui viennent délivrer l’équipage pris en otage du trois-mâts Le Ponant, arraisonné dans le golfe d’Aden.

De nombreuses opérations transnationales sont lancées par les Etats afin de lutter contre la piraterie maritime : en 2006, une force binationale franco-britannique lance la mission Agapanthe, dans le golfe Persique, afin de contrôler les navires marchands, et ainsi déceler toute activité à but criminel, voire terroriste. En 2008, les Etats-Unis décident d’augmenter leur présence dans l’océan Indien et près de l’Afghanistan, grâce à la Task Force 150. Ces opérations bénéficient d’un support aérien, qu’il s’agisse de drones ou d’avions : en 2009, la France utilise par exemple des Awacs du 36e EDCA.

Face à la piraterie maritime, une réponse efficace suggère donc une coopération entre les forces armées de pays ayant tout intérêt à préserver la stabilité des espaces maritimes. Mais la réponse ne saura être efficace sans une évolution du droit de la mer : à terme, la Convention de Montego Bay pourrait être modifiée, grâce à l’adoption du principe de poursuite jusque dans les eaux territoriales, qui permettrait ainsi d’outrepasser la question de la souveraineté territoriale, derrière laquelle trop de pirates maritimes se réfugient.

Sources :

Frécon, Eric, “La dimension terrestre des pirateries somaliennes et indonésiennes, La Découverte n°134, 2009/3, https://www.cairn.info/revue-herodote-2009-3-page-80.htm 

Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, “Piraterie et brigandages maritimes”.

Le Pautremat, Pascal, “Forces spéciales contre piraterie : entre dissuasion et coercition”, ESKA n°7, 2009/1, https://www.cairn.info/revue-securite-globale-2009-1-page-49.htm 

Eklöf Amirell, Stefan, “La piraterie maritime en Afrique contemporaine”, Karthala n°116, 2009/4, https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2009-4-page-97.htm

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