L’éducation, gage de stabilité au Sahel ?

L’éducation, gage de stabilité au Sahel ?

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Le 5 décembre 2021, les membres du G5 Sahel se sont réunis avec la Banque mondiale à Nouakchott, la capitale mauritanienne, afin d’aborder la question de l’enseignement. Considérée comme un atout considérable pour le futur de la région, l’éducation y est pourtant en danger. Explications.

Un système éducatif mis à mal par l’insécurité

Le système éducatif au Sahel est mis à mal par les différents conflits qui sévissent dans la région. Rien qu’au Burkina Faso, au Mali et au Niger, ce sont près de 4 116 écoles qui ont fermé en juillet 2020 en raison de la situation sécuritaire. Ces trois pays enregistrent une recrudescence de la violence armée depuis 2012 : l’étincelle est apparue au Mali, avec l’émergence et la prolifération de groupes armés ; le nord du Burkina Faso et le Niger se sont  rapidement embrasés à la suite de leur voisin. La crise complexe qui en résulte a réveillé d’anciennes querelles intercommunautaires, exacerbées et exploitées par les principaux acteurs du conflit. Malgré l’effort international pour contrer cette spirale de violence, notamment grâce à l’opération « Barkhane », la situation sécuritaire reste un problème pour les populations, qui en sont les principales victimes.

Les attaques contre les écoles du Sahel sont devenues monnaie courante au cours des dernières années. En juillet 2020, ce sont près de 26 attaques qui ont été enregistrées au Sahel : menaces contre les élèves et enseignants, incendies d’écoles, attaques perpétrées contre ces institutions. Un contexte sécuritaire qui met en péril le futur Sahélien.

Lorsqu’elles ne visent pas directement les écoles et les enfants, les violences armées causent des déplacements de population à travers la région : les écoles sont alors transformées en « lieux de coordination des secours », comme l’explique un rapport de l’UNICEF publié sur le sujet en octobre 2020. L’éducation passe dès lors au second plan.

L’éducation, un atout pour le Sahel ?

En ce 5 décembre 2021, le ton était donné : l’avenir du Sahel passe par l’éducation de ses enfants. En leur permettant d’accéder à une bonne éducation, ce qui est par ailleurs un droit humain et un devoir pour tout Etat, les pays du G5 Sahel s’assurent d’avoir des citoyens qui contribueront « à la prospérité de la nation ». En effet, comme expliqué par le Vice-président de la Banque mondiale pour la région Afrique de l’Ouest et centrale, Monsieur Ousmane Diagana, « la jeunesse du Sahel a besoin de perspectives et d’espoir pour construire son avenir chez elle ». Cela passe donc par l’éducation.

La déperdition scolaire est source d’inégalités, qui, dans un contexte de précarité particulièrement élevée, positionne ces enfants comme des cibles faciles pour les groupes armés. Lorsqu’un enfant abandonne l’école, il devient rapidement exposé, entre autres, au recrutement illégal par les groupes armés. Leur contribution au conflit, qui pose d’importantes questions éthiques, permet aux hostilités de se poursuivre, entraînant dès lors les pays du Sahel dans un cercle vicieux.

En apportant une éducation à tous, les Etats du Sahel s’assurent d’une population en mesure d’apporter leur contribution à la création d’une région plus stable.

Quelles promesses à l’issue de la réunion du 5 décembre ?

ela passe, selon eux, par une ouverture plus large de l’éducation aux jeunes filles, ce qui les protégerait des violences auxquelles elles sont exposées, qu’il s’agisse de violences sexuelles ou liées à l’exploitation. Dans une tribune publiée dans Jeune Afrique, les pays présents à la réunion du 5 décembre se sont félicités du nombre grandissant de filles scolarisées dans leurs pays. Cette équité doit désormais, selon eux, s’étendre aux postes de décision dans les écoles.

Pour former cette jeunesse « garante d’une prospérité partagée », les Etats du G5 Sahel entendent mettre en avant la qualité de l’enseignement prodigué à leurs enfants, et qui laisse aujourd’hui à désirer. Malgré un coût budgétaire important, les dirigeants du Sahel présents à Nouakchott, observent que la qualité des apprentissages ne cesse de baisser. Cette baisse de la qualité de l’enseignement pousse notamment les étudiants qui le peuvent à rejoindre des universités étrangères : cette fuite des cerveaux du Sahel ne contribue malheureusement pas à la stabilité de la région.

L’un des autres leviers promis par les pays engagés dans cette restructuration de l’enseignement au Sahel est un levier budgétaire : actuellement, le budget moyen dédié à l’éducation dans la région est de 3%, contre 6% en moyenne à l’international, et 4% sur le continent africain. L’éducation, aujourd’hui considérée comme une dépense par les familles, doit être vue comme un investissement afin de les convaincre d’envoyer leurs enfants à l’école. Les dirigeants du G5 Sahel, soutenus par la Banque mondiale, se sont donc engagés à soutenir financièrement les familles.

Conclusion

Comme l’ont rappelé les chefs d’Etats présents à la réunion du 5 décembre, « de nombreux pays émergents ont démontré que l’école était le premier lieu dans lequel investir pour préparer l’avenir ». Il s’agit toutefois d’un investissement sur le long terme, qui reste difficile à mettre en place tant que les violences armées continueront de sévir contre les populations du Sahel. Les réformes éducatives devraient être mises en place au cours des 5 prochaines années. Reste à voir si ce pari aura le temps de porter ses fruits.

Sources:

Jeune Afrique, « Les pays du Sahel s’unissent pour l’accès universel à un enseignement de qualité », 5 décembre 2021. https://www.jeuneafrique.com/1276764/societe/les-pays-du-sahel-sunissent-pour-lacces-universel-a-un-enseignement-de-qualite/?utm_source=twitter.com&utm_medium=social&utm_content=jeune_afrique&utm_campaign=post_articles_twitter_05_12_2021

Sahel Education Summit, Allocation de M. Ousmane Diagana, Vice-président de la Banque mondiale pour la région Afrique de l’Ouest et centrale, 5 décembre 2021.

Bureau régional de l’UNICEF pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, « Le Sahel Central — Note de plaidoyer », Octobre 2020. https://www.unicef.org/wca/media/5416/file/UNICEF-WCARO-Central-Sahel-Advocacy-October-2020-FR.pdf

Côme Niyongabo, « Sahel : les civils pris au piège d’une spirale de violence mortelle », Programme adjoint de MSF pour le Sahel, 2019. https://www.msf.org/fr/rapport-international-dactivit%C3%A9s-2019/sahel%E2%80%AF-les-civils-pris-au-pi%C3%A8ge-d%E2%80%99une-spirale-de-violence

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