La stratégie française actuelle dans les fonds marins

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La France dispose à ce jour d’une force sous-marine capable de surveiller sa zone économique exclusive (Z.E.E.) et d’intervenir rapidement en mer. Depuis les années 1970, ses sous-marins lui permettent de mettre en œuvre sa politique de défense. Aujourd’hui, avec la multiplication des risques d’appropriation par une puissance d’une Z.E.E. qui n’est pas la sienne ou d’un espace maritime commun, il est essentiel pour la France de protéger ses intérêts répartis dans le monde entier. La France possède en effet le deuxième plus grand domaine maritime au monde, juste après les États-Unis, par ses départements et collectivités d’outre-mer et ses Terres australes et antarctiques. 

Carte de localisation des territoires et des espaces maritimes français

Carte du domaine maritime de la France. Source : https://maritimelimits.gouv.fr/resources/areas-frances-maritime-spaces-sovereignty-and-jurisdiction

Quelle est donc la stratégie de la France dans les fonds marins aujourd’hui, pour maintenir et renforcer sa puissance maritime ?

La flotte sous-marine actuelle

Les éléments envoyés dans les fonds marins concourent aux cinq grandes fonctions stratégiques des armées – dissuasion, protection, intervention, connaissance et anticipation. 

Sous-Marin Nucléaire Lanceurs d’Engins / SNLE-NG type le triomphant Le Vigilant

Crédit : Marine nationale, CC BY-SA 3.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0>, via Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/File:SNLE-NG.jpeg

La Marine nationale dispose de 4 Sous-marins Nucléaires Lanceurs d’Engins (SNLE) et de 6 Sous-marins Nucléaires d’Attaque (SNA). 

Les SNLE sont en mission de patrouille et de surveillance et constituent la composante océanique de la dissuasion. Regroupés au sein de la Force océanique stratégique (FOST), ils sont dotés de 16 missiles stratégiques M51 qui permettent une frappe nucléaire, ordonnée par le président de la République, contre toute atteinte aux intérêts vitaux de la France. En général, un seul SNLE est en patrouille. Les 4 SNLE, chacun d’une longueur de 138 mètres, se relaient pour l’entretien, l’entraînement, la patrouille et la mission. Un armement d’auto-défense est également prévu, à savoir 4 tubes lance-torpilles. Le tout premier SNLE, Le Triomphant, a été lancé en 1994. 

Les SNA soutiennent la FOST et les forces aéronavales en mer et interviennent rapidement quand leur sûreté est menacée. Bien moins longs (73,6 mètres) que les SNLE, ils peuvent participer sur les théâtres d’opération à des opérations spéciales, recueillir du renseignement, jusqu’à mettre en œuvre si nécessaire leurs armes torpilles. De nouveaux Sous-marins Nucléaires d’Attaque de type Suffren devraient à l’avenir être déployés, avec des capacités décuplées. 

Le sous-marin nucléaire d’attaque Saphir de retour à Toulon avec le groupe aéronaval, à l’issue de la mission Héracles (1er juillet 2002).

Crédit : Jean-Michel Roche/http://www.netmarine.net, via Wikipedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/File:FS_Saphir_07.jpg?uselang=fr#filelinks

Outre les sous-marins, la Marine nationale met en place une force de guerre des mines pour lutter contre les mines jusqu’à 100 mètres de profondeur et pour surveiller les fonds marins en temps de paix. Elle est constituée de 17 bâtiments de combat, de 3 groupes de plongeurs-démineurs, d’un état-major de conduite de forces et d’un centre de planification et d’analyse des opérations de guerre des mines. Le système SLAM-F – système de lutte anti-mines futur – a pour objectif de moderniser les capacités actuelles de guerre des mines et utilisera des drones de surface et sous-marins, des robots téléopérés et des sonars remorqués par drone de surface. 

La stratégie ministérielle de maîtrise des fonds marins (2022)

Le 14 février dernier, la ministre des Armées, Florence Pagny, et le chef d’état-major des armées, le général d’armée Thierry Burkhard, ont présenté une nouvelle stratégie visant « à élargir les capacités d’action et d’anticipation de la Marine nationale jusqu’à 6 000 mètres de profondeur » (site du ministère de la Défense). Les actions hybrides dans les fonds marins ont augmenté et la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), qui diminue les droits des États à mesure que l’on s’éloigne de la côte, n’est pas systématiquement respectée par certains États qui visent l’exploitation des ressources minières, biologiques ou fossiles. 

Dans le cadre de l’ambition pour les grands fonds marins, au sein du plan d’investissement « France 2030 », cette stratégie s’articule autour de 10 points-clé. Il s’agit notamment d’améliorer la connaissance du milieu sous-marin, d’élargir les capacités d’information et d’action à 6 000 mètres de profondeur et de soigner une posture juridique soucieuse du droit international, de la liberté d’accès de l’Union européenne aux espaces communs stratégiques et du cadre juridique français. Pour consolider l’autonomie stratégique de la France, des efforts sont demandés pour le développement des véhicules sous-marins autonomes et de la robotique sous-marine. Évidemment, cette ambition d’amélioration des technologies et des connaissances devra être soutenue par un réseau d’expertise « fonds marins » renforcé. 

Cette stratégie, au-delà des nombreux sujets d’amélioration et de développement, vise à « intégrer la maîtrise des fonds marins dans notre stratégie de défense ». Les opérations de maîtrise des fonds marins (OMFM) concernent des opérations d’intervention, de connaissance du milieu sous-marin et de surveillance. Mieux intégrée dans la stratégie de défense française, la maîtrise des fonds marins aura besoin de coopération avec les différents services du ministère des Armée, par exemple avec ses capacités de renseignement. La nouvelle stratégie sera pilotée de toute façon par des grands acteurs du ministère tels que l’État-major des Armées (EMA), la Direction Générale de l’Armement (DGA) ou encore l’agence de l’innovation de défense (l’AID), rattachée à la DGA. 

Protéger les câbles sous marins

Les câbles sous marins constituent l’essentiel des moyens de communication des données entre les pays et les continents (99% contre 0,37% par satellites). Ils constituent donc des enjeux de puissance. Ils sont en même temps fragiles à cause des risques d’accident mais de plus en plus à cause des tentatives de la part de pays de couper les communications de rivaux. La stratégie ministérielle de maîtrise des fonds marins s’inscrit aussi dans ce contexte de rivalité dans les mers. Jusqu’ici, le budget militaire français, notamment la loi de programmation militaire 2019-2025, se concentrait surtout sur la cybersécurité, le renseignement et le spatial et reculait les programmes concernant le « seabed warfare » (« guerre des fonds marins »). Parmi ces programmes, celui de la guerre des mines, le SLAM-F, détaillé dans la première partie, devrait démarrer en 2023. Le programme « CHOF », de cartographie des fonds marins, doté de 300 millions d’euros, devrait commencer en 2025. Des projets de construction de nouveaux SNLE et SNA sont en cours, pour les mêmes raisons de surveillance et de protection d’espaces maritimes de plus en plus enjeux de puissance.

Ainsi, d’ici ces dates, la Marine nationale privilégie le développement de robots et de drones sous-marins.

En France, la force sous-marine prend de plus en plus d’importance pour la surveillance et la protection d’espaces sous-marins très profonds, pour beaucoup encore méconnus par rapport au reste de l’espace maritime mondial. 

Sources :

https://www.defense.gouv.fr/marine/nos-equipements/marins-nucleaires-lanceurs-dengins-snle

https://www.defense.gouv.fr/marine/marins-nucleaires-dattaque-sna

https://www.defense.gouv.fr/actualites/armees-se-dotent-dune-strategie-ministerielle-maitrise-fonds-marins

https://www.defense.gouv.fr/nouveaux-moyens-guerre-mines

https://www.lemonde.fr/international/article/2022/02/15/paris-veut-developper-sa-souverainete-sur-les-fonds-marins_6113760_3210.html

https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/281092-la-france-une-puissance-maritime

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/zone-economique-exclusive-zee

YouTube : « Le Dessous des Cartes : Câbles sous marins la guerre invisible », mise en ligne le 17 septembre 2021, https://www.youtube.com/watch?v=MzcKHQyDL5o 

Lagneau, L. (2022, 29 mars). Rafale de guerre électronique, robotique. . . Pour un député, il est urgent de pallier les lacunes des forces françaises. Zone Militaire. http://www.opex360.com/2022/03/29/rafale-de-guerre-electronique-robotique-pour-un-depute-il-est-urgent-de-pallier-les-lacunes-des-forces-francaises/

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