Ce Jour Dans l’Histoire – La signature de la Charte de l’ASEAN, le 20 novembre 2007

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L’Association des Nations d’Asie du Sud-Est (Association of South-East Asian Nations) est une alliance en premier lieu économique, puis politique et culturelle qui réunit aujourd’hui dix Etats asiatiques. Fondée en 1967 par l’Indonésie, la Thaïlande, les Philippines, la Malaisie et Singapour, elle s’appuie sur l’Association de l’Asie du Sud-Est (ASA), créée en 1961 par un traité entre Philippines, Malaisie et Thaïlande. Il faut replacer la naissance de cette alliance dans le contexte de Guerre Froide et de la Guerre du Vietnam qui a cours à cette période. De fait, il s’agit pour les nations qui se lient par cette organisation de poser un frein à l’avancement de la rhétorique communiste en promouvant le développement économique, puis le développement social qui en découlerait. Le second objectif, plus politique, est de produire une déclaration de neutralité, et par là éviter le risque d’une propagation de la dynamique de Guerre du Vietnam sur le territoire de ces Etats. Malgré des différences culturelles fortes, notamment en termes de religion et d’expérience coloniale, l’ASEAN a vocation à coordonner l’action des dirigeants asiatiques attachés au statu quo politique dans la région. Son action s’articule autour de programmes de recherche communs, d’échanges étudiants facilités et d’élimination des barrières à la liberté du commerce. Le maintien de la paix reste toutefois un objectif récurrent dans l’esprit des dirigeants des cinq pays, quoique le medium pour y parvenir soit d’ordre économique et scientifique.

La naissance de la Charte

L’idée d’une Charte constitutive de l’ASEAN est émise en 2004 par la Malaisie et adoptée officiellement lors du 11ème sommet de l’Association l’année suivante. En vertu de cette déclaration, un groupe de réflexion constitué de dix représentants, un pour chacune des nations membres de l’organisation, qui ont pour but de produire un document permettant de repenser le fonctionnement institutionnel de l’ASEAN, de même que ses objectifs. En outre, la volonté d’inclure la société civile, qui avait parfois démontré peu d’enthousiasme quant à cette association, se fait jour avec la sollicitation explicite de CSO (Civil Society Organizations) auxquelles on offre la possibilité d’émettre des propositions lors de réunions prévues à cet effet. La dimension participative du procédé d’élaboration de la Charte témoigne de la nécessité d’une adhésion large des populations des différents Etats membres. Les ASEAN Civil Society Conferences (ACSC) aboutissent à la rédaction d’un manifeste intitulé « Building a Common Future Together » (construire ensemble un futur commun) qui est présenté en décembre 2005 aux dirigeants des dix pays membres.

Les idées présentées dans le document initial étonnèrent par leur audace et leur ambition. Cependant, par mesure de prudence, les dirigeants décident en janvier 2007 d’y préférer une approche plus pragmatique, voulant se concentrer sur le réaliste et le faisable. Le principe de sanctions potentielles se voit ainsi abandonné, tandis qu’est réaffirmé le consensus comme condition de la prise de décisions. Des fuites concernant le contenu final de la Charte ont également tu l’enthousiasme initial, le document final n’étant qu’une version édulcorée des grands principes et idées nouvelles développés et discutés en amont.

Contenu de la Charte

La Charte de l’ASEAN remplit trois fonctions principales selon l’ex-Secrétaire Général de l’Association, Mr. Ong Keng Yong : doter l’ASEAN d’une personnalité juridique ; permettre au système institutionnel une responsabilité plus grande et un ensemble de règles constitutives mieux définies ; enfin, le renforcement de la perception de l’Association comme un acteur diplomatique de poids dans la région.

Concrètement, la Charte se révèle importante en raison de cinq aspects principaux. Tout d’abord, elle formalise la nomination du personnel, incluant le secrétariat général, ainsi que la tenue biannuelle de  sommets de l’ASEAN qui permettront de s’accorder sur des objectifs des Etats membres. D’un point de vue symbolique, il s’agit également de parfaire l’identité du corps régional grâce à l’adoption d’un hymne, d’un drapeau et d’un jour national, le 8 août, en mémoire de l’anniversaire de sa formation. Cela répond à un objectif de visibilité et de reconnaissance par l’ensemble des acteurs régionaux et internationaux. De fait, la Charte explicite également les relations amicales entretenues avec l’Union Européenne et les Nations Unies, faisant de l’ASEAN un acteur incontournable de la diplomatie dans la région. Le volet économique, troisième dimension des dispositions de la Charte, reste évidemment central avec la réaffirmation de la volonté de coopérer grâce aux transferts de technologie et de capitaux, en vue de l’établissement d’une zone de libre-échange, l’intégration régionale du commerce étant un pilier constitutif de l’organisation.

Les deux autres aspects sont sans doute les plus novateurs. Il s’agit tout d’abord pour l’ASEAN de se placer comme interlocuteur privilégié de la résolution des conflits entre ses membres grâce à la discussion, la négociation et le renoncement à la réponse violente au désaccord. In concreto, la tenue de sommets d’urgence pour répondre à des crises momentanées et d’échelle importante est formellement adoptée, faisant de l’ASEAN l’un des garde-fous de la stabilité politique de la région. Afin de satisfaire à ce besoin, l’organisation s’accorde sur une coopération anti-terroriste qui vise à faciliter l’extradition des criminels tombant dans cette catégorie, se faisant ainsi auxiliaire des justices nationales. Par ailleurs, une véritable politique régionale de lutte contre le trafic humain est mise en place, ce type de criminalité étant particulièrement développé dans la région. Enfin, l’ASEAN se fait le champion des droits de l’Homme dans la région, tout en réaffirmant le principe de non-intervention à la racine des relations entre ses membres et le respect des identités nationales. Ce dernier point est l’une de zones grises de la politique de l’association en raison de la coexistence de régimes démocratiques « à l’occidentale » et de régimes dits « autoritaires » , accusés à plusieurs reprises de violations graves des droits inaliénables de l’Homme tels qu’affirmés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Une controverse a émané de la volonté de créer un organe s’occupant desdites questions de respect des droits de l’Homme au sein de l’ASEAN dans la mesure où l’efficacité de cet organe se trouverait hautement compromise par l’impossibilité d’adopter puis d’appliquer des sanctions.

 

Michael Li, le 19 novembre 2017

Bibliographie

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