UE-Chine : brève introduction aux relations sino-européennes
Waving flags of China and EU on flagpole, on blue sky background.

UE-Chine : brève introduction aux relations sino-européennes

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La virulence de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine ne manque pas de donner aux experts et journalistes nombre de sujets sur lesquels débattre, ainsi que maintes évaluations prospectives sur l’avenir du monde. Cependant, une question revient souvent dans les médias, notamment européens : quelle est la place de l’Europe dans l’escalade des tensions politiques et économiques sino-américaines? Si la réponse semble évidente, et qu’il sera donné de la traiter dans un prochain article, elle a le mérite de nous inviter à réfléchir plus attentivement sur les relations qu’ont entretenu deux des plus importants pôles économiques mondiaux, l’Union européenne (UE) et la Chine, avant la crise sanitaire.


Des flux économiques, culturels et politiques non négligeables

Concentrons-nous d’abord sur la réalité de leurs échanges. Depuis l’ouverture de la Chine ordonnée par Deng Xiaoping en 1978, la Communauté économique européenne puis l’UE a su tirer profit tant de l’immense marché qui s’offrait à eux que des possibilités de production et d’investissement qui étaient à leur disposition — bien que leurs relations furent établies en 1975. Mais la réelle accélération des échanges s’est produite à la fin de la Guerre Froide, dans les années 1990. Les deux partenaires ont également lié par le biais des régions européennes et des différentes collectivités des liens culturels étroits. C’est par exemple le cas pour la région de la Vienne qui depuis 1994 dispose de relations culturelles denses avec la ville de Shenzhen. 

En somme, les échanges commerciaux entre la Chine et l’Europe sont très importants. Concrètement, la Chine n’est rien de moins que le deuxième partenaire commercial européen, et l’UE est son premier. Cette dernière en dégage d’ailleurs un excédent commercial aussi important qu’avec les Etats-Unis. De plus, l’UE est parmi les premiers investisseurs en Chine (IDE) derrière les Etats-Unis, le Japon et Taïwan, avec l’aide de 27 000 entreprises. 150 000 Européens résident en Chine, quand plus de 200 000 Chinois étudient en Europe — restant toutefois loin derrière les pays anglophones —, majoritairement en Allemagne et en France, et plus d’un million de touristes visitent chaque année le Vieux Continent.

Nous l’avons vu, le commerce, la culture, le tourisme constituent parmi les fondations des relations sino-européennes. Une autre dimension vient s’y ajouter : la politique. Chaque année, un sommet bilatéral UE-Chine est organisé en Europe ou en Chine depuis 1998, et rassemble les chefs d’Etats et de gouvernements des Etats membres ainsi que des institutions européennes. La coopération est allée plus loin, puisque la Chine est entrée en 2001 à l’OMC avec l’appui de l’Union, après la signature d’un « partenariat global » la même année. De nombreux partenariats sont ainsi mis en place, dans quasiment tous les domaines, avec cependant des portées plus ou moins limitées.
Avec ces flux, s’ajoute une conception particulière de l’Europe par la Chine qui façonne leurs relations. 


La vision chinoise de l’Europe

L’intensité des échanges s’est accompagnée d’une relative transformation de la façon dont la Chine conçoit ses relations avec l’Europe. D’abord, la Chine a vu dans l’Europe de la fin de la Guerre Froide un contrepoids à la superpuissance américaine. Elle la pensait comme un pôle économique majeur, appelé à se renforcer, notamment par les extensions qui l’ont caractérisée, avec lequel elle partagerait l’idée d’un monde multipolaire et multilatéral. Cette pensée s’est concrétisée par un rapprochement étroit des coopérations économiques et politiques des deux pôles, et la mise en place de partenariats stratégiques plus poussés. De son côté, l’Union européenne fraîchement née avait également l’ambition de peser de tout son poids sur la scène internationale, ce qui passait immanquablement par une relation plus profonde avec la Chine — qui y trouvait d’ailleurs son compte pour son propre développement économique.
Ajoutons à cela que dans un premier temps, la Chine a tenté de trouver des points de convergence avec l’UE : consolidation de l’ONU, de l’OMC, protection de l’environnement, promotion du multilatéralisme, renforcement de l’unité européenne, opposition aux positions américaines en matière de sécurité internationale et d’interventionnisme (notamment concernant le dossier irakien en 2003, sur lequel elle était intervenue aux côtés de la France et de l’Allemagne). 

Cependant, cette idée d’Europe a peut-être été exagérée voire fantasmée en Chine. En effet, voir l’Europe comme une puissance à un moment où elle n’était jamais apparue comme aussi divisée — en l’occurrence, dans le contexte de la crise irakienne — relevait d’une illusion toute indiquée. C’est à ce moment là, au tournant des années 2000, que le regard de la Chine sur l’UE a changé. Avec cette crise, elle a bien compris qu’il serait facile pour elle d’assurer ses intérêts. Désormais, l’Union est pour la Chine un centre économique et financier important mais dont les règles et les niveaux de décision sont complexes, l’exécution des résolutions lente et surtout dont l’unité n’est pas toujours évidente. C’est bien la faiblesse de l’UE dont la Chine s’est emparée, la facilité avec laquelle ses membres se divisent sur de nombreux sujets, sensibles ou non. Plus encore, c’est l’échec des réformes en 2005, notamment concernant une Constitution européenne, qui alimente les désillusions des deux côtés : l’Europe n’est pas prête à devenir une puissance mondiale de premier plan. De cette façon, la Chine a fait comprendre aux Européens qu’ils avaient la qualité d’un partenaire commercial incontournable, mais à propos des questions stratégiques et géopolitiques, l’Europe n’est pas une priorité pour elle. Il est à rappeler qu’il s’agit ici de la représentation que la Chine avait et a de l’Europe, non une transcription du réel, qui donnerait tout de même à l’UE certains avantages, notamment en matière de soft power. Ainsi, l’Empire du Milieu privilégie depuis cette date les relations bilatérales avec les Etats membres, susceptibles d’accéder plus facilement aux demandes chinoises et structurellement plus fiables.

Ce changement de cap chinois est aussi dû à la façon dont l’Europe appréhende leurs relations. Non seulement les Européens ont une difficulté immense à rester unis sur le dossier chinois, ce qui se traduit par une inertie des institutions bruxelloises et un désintérêt croissant de la Chine à traiter avec l’UE dans son ensemble. Les divergences des Etats membres sont le fruit de deux aspects. D’abord, une méconnaissance liée à une peur de la Chine qui la modélise en rouleau compresseur économique et démographique, venant concurrencer — déloyalement — les entreprises européennes, notamment dans le domaine de l’acier. Cette peur alimente les réticences à négocier avec la Chine de façon globale, où les intérêts particuliers des Etats membres seraient oubliés. C’est d’ailleurs l’objet d’abondants recours auprès de l’OMC entre les deux puissances. Ensuite, cette peur est à l’origine de mouvements populistes qui entretiennent l’image négative de la Chine et en font même leur apanage. Par exemple, la crise de 2008 a marqué les esprits en Europe par sa violence et les dégâts qu’elle a engendrés. Pourtant, ce qu’ils ont craint et craignent toujours plus encore, c’est la façon dont la Chine entre sur le marché européen de façon déloyale — notamment parce que l’accès au marché chinois est réciproquement beaucoup plus compliqué et que la Chine pratique le dumping — et dont la conséquence serait des pertes d’emplois massives à travers le continent. Dans ce contexte, le discours singulier de l’extrême-droite privilégierait une protection accrue des travailleurs et la remise en cause profonde des échanges avec la Chine, option peu réaliste. Ces propos influencent dans leur ensemble les politiques européennes — sans toutefois opérer de revirements majeurs évidemment — et, parfois, amènent les populistes au pouvoir. De toute cela, il résulte que la position européenne vis à vis de la Chine s’en trouve changée. Les relations économiques et politiques, ainsi que les conceptions mutuelles entre les deux pôles sont aussi à placer dans le cadre du projet de la Belt and Road Initiative (BRI).


La Belt and Road Initiative

Ce projet est révélateur du rôle que la Chine entend jouer sur la scène internationale, de même que de sa vision stratégique à long terme grâce aux multiples facettes qui le composent. Aussi appelé projet des « nouvelles routes de la soie », en référence aux chemins qui liaient l’Europe et l’Asie pour le transport des textiles dans l’Antiquité, il a été dévoilé par Xi Jinping en 2013.

D’abord, la BRI peut être définie comme un ensemble d’infrastructures terrestres visant à relier par la terre l’Europe et la Chine via l’Asie centrale. Pharaonique, il ne concerne pas moins de 1 000 milliards de dollars d’investissements sur dix ans, dans 68 pays. A ce titre, notons que l’Europe n’est pas la seule concernée par ces investissements : l’Asie centrale, l’Asie du Sud-Est, l’Afrique et l’Amérique latine sont également sur leur chemin alors que les anciennes routes de la soie ne concernaient que le continent eurasiatique. Les nouvelles, elles, sont donc beaucoup plus étendues et concernent la plupart des continents. Ainsi, si le projet est essentiellement terrestre entre l’Europe et la Chine, il est principalement maritime pour l’Afrique et l’Amérique. Nous allons nous concentrer ici sur l’UE.

Concrètement, les investissements chinois se muent en rachats, par exemple par le rachats de nombreux aéroports ou de ports dans l’Union européenne via la prise de participation dans leurs capitaux, dont celui du Pirée à Athènes, ayant fait grand bruit. Ensuite, ils peuvent aussi concerner la construction d’infrastructures ad hoc, comme des ports secs et des chemins de fer, des centres industriels ou des autoroutes. Beaucoup de ces ports sont en cours de construction, ou sont même terminés. Afin de justifier ses agissements, la Chine martèle qu’il s’agit d’une action pacifique fondée sur un développement mutuel, qui apporterait plus de richesses et faciliterait les échanges. Elle se base sur la puissante banque d’investissement qui a été créée à cet effet et dans laquelle sont aussi présents la majorité des pays membres de la BRI : la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (BAII). Concurrente directe de la Banque mondiale, largement plus efficace que cette dernière, elle constitue un danger pour l’Occident — entre autres — car elle est une source d’attractivité pour les pays (dont ceux d’Europe centrale et orientale) ayant des difficultés à développer leurs propres réseaux de communication et qui ne peuvent pas compter sur les autres organisations internationales. Si la Chine vante alors son projet comme un investissement de longue durée, sans contrepartie et sous forme de dons, il n’en est pas exactement ainsi. D’abord, parce qu’il ne s’agit pas que de dons car la majorité des investissements sont des prêts via la BAII. La banque est donc un moyen de créer une dépendance des pays emprunteurs, et leur dépendance est une sorte de contrepartie aux investissements chinois. Aussi, la prise de participation dans les infrastructures européennes signifie que la Chine, à travers ses entreprises, possède un droit de regard sur celles-ci.

En outre, grâce à la BRI, la Chine contrôlerait la majorité des infrastructures où transitent les marchandises, matières premières et services dont elle a besoin, lui permettant de sécuriser les points stratégiques de son commerce. La logique est de mieux ancrer l’Eurasie à la Chine, avec des temps de trajet moins longs et qui ne risquent un blocus en tombant entre les mains d’adversaires, en premier lieu les Etats-Unis. Cela donnerait aussi à la Chine l’occasion d’étendre son influence dans des pans entiers de la vie des Etats, favoriser le développement des entreprises chinoises par leur mise en avant dans le programme, trouver de nouveaux marchés et assurer le développement du territoire chinois dans son ensemble. Dès lors, même si la Chine a fortement relevé son niveau d’influence dans les organisations internationales, de telle façon à ce qu’elle se pose aujourd’hui en sérieux contrepoids à la puissance américaine — voire même la dépassant dans les cas où Donald Trump boycotte certaines d’entre elles —, ses propres institutions internationales constituent un second levier extrêmement productif. Néanmoins, ces nouvelles routes de la soie sont source de contentieux entre entre la Chine et l’UE, auxquels se greffent d’autres griefs de longue date.


Des points de tensions toujours plus nombreux

Malgré la force des flux entre l’UE et la Chine, les sujets de tensions s’accumulent depuis plusieurs années. 

Parlons d’abord de la BRI que nous venons d’aborder. Malgré les bénéfices que pourraient en tirer les pays membres, elle comporte de multiples risques stratégiques, dont une certaine dépendance, et s’expose naturellement aux critiques de l’Occident. La première d’entre elles est formulée sur le fait que les investissements et les constructions financées par la Chine entraîneraient des effets dramatiques sur l’environnement. C’est ainsi que des centaines d’espèces animales sont menacées, des écosystèmes détruits ainsi que des processus de déforestation gigantesques qui sont entrepris. Puis, alors que la Chine s’est elle-même engagée dans l’Accord de Paris, et qu’elle se trouve parmi les pays les plus avancés en matière de technologie pour les énergies renouvelables, elle cautionne et finance des projets pharaoniques de construction de centrales à charbon. Les nouvelles routes de la soie ont donc un impact environnemental non exagéré, que l’UE ne manque pas de dénoncer.

Pourtant, le point le plus crucial réside dans ce que pensent intrinsèquement les Européens de ce nouveau projet. Plus précisément, les poids lourds de l’UE ont très vite compris que l’initiative chinoise relevait plus d’une sorte de mainmise que d’une simple entreprise de resserrement des liens commerciaux. Le plus dangereux repose en ce que les pays du centre et de l’est de l’Europe (grâce aux sommets dits « 17+1 ») ont adhéré sans grande réticence au programme, mettant en péril l’unité européenne par la dépendance que peuvent avoir certains pays à l’égard de la Chine aux travers de leurs dettes, mais aussi, de la perte de contrôle d’infrastructures stratégiques, comme les ports et les routes maritimes. Quand l’Italie est entrée dans le projet de la BRI, en 2019, cela a créé une onde de choc : premier pays du G7 à mettre un pied dans l’orbite chinoise, poids lourd européen, l’Italie n’a pas résisté à l’attractivité – et aux pressions — chinoises.

Stratégiquement donc, ce programme viendrait affaiblir l’UE en alimentant la désunion sur fond d’intérêts divergents. Au niveau économique et social, c’est un bilan désastreux que dresse l’UE : écoulements massifs des surcapacités chinoises à un prix plus attractif que les produits européens, opacité des appels d’offre et donc favoritisme des entreprises chinoises, normes de travail contestables. Emmanuel Macron parlait d’une « hégémonie » chinoise si le projet venait à devenir un succès complet. Toutefois, il convient de noter, à raison, que le scepticisme entourant ce projet ne doit pas freiner la coopération avec la Chine, ce qui porterait une forte atteinte aux intérêts européens. En revanche, la relation entre l’Union européenne et cette dernière doit être mieux encadrée avec une approche concertée de la part des Européens. Malgré cela, les controverses naissantes sont le fruit d’un paradoxe en Europe : les mêmes qui critiquent ce projet sont ceux qui ont adhéré à la BAII juste après sa fondation, sur laquelle reposent les nouvelles routes de la soie et les investissements chinois. En l’occurrence, il s’agit de l’Italie, de l’Allemagne, de la France et dans une moindre mesure, puisqu’il ne fait plus partie de l’UE, du Royaume-Uni. En fait, cela procède d’une double logique. D’une part, la Chine pense qu’avoir des pays occidentaux et accomplis siégeant au conseil d’administration serait un gage de confiance pour les emprunteurs. D’autre part, des pays comme la France estiment que les investissements chinois auxquels ils prendront part seront lucratifs et pensent développer un partenariat profond avec la Chine, avec plus de facilité. 

Un autre sujet sensible entre les deux puissances concerne le respect du droit international. Premièrement, la défense des droits de l’homme, sujet sur lequel l’UE exerce pleinement son soft power. Il implique plusieurs points, comme par exemple la question éminemment sensible de l’internement des Ouïghours dans des camps de concentration à l’est de la Chine. De confession musulmane, cette population subit de la part des autorités — sur ordre de Pékin — des violations répétées de ses droits les plus fondamentaux : atteinte à la dignité humaine, viols des femmes et des enfants, violences, travail forcé, déportation, privations multiples de libertés… Avéré par plusieurs services de renseignements occidentaux, ce traitement inhumain est fermement démenti par la Chine, qui y voit une ingérence inconcevable dans ses affaires internes. Sa justification est tout autre, en l’occurrence celle de « rééduquer » cette population qui est accusée de troubler l’ordre public et de séparatisme. De même, c’est la répression abusive des mouvements anti-gouvernement à Hong-Kong et l’adoption de lois de plus en plus privatives de liberté par le gouvernement pro-Pékin de l’enclave qui ont préoccupé l’UE à plusieurs reprises. Mais c’est un jeu d’équilibriste auquel l’UE ne s’est pas souvent risqué, la Chine agitant à la fois la carotte et le bâton et divisant les Européens. Ensuite, il s’agit de la souveraineté même de certains Etats où la Chine met à l’épreuve ses relations avec l’UE. Chantre du multilatéralisme — à la chinoise —, car dépend de lui la sacro-sainte croissance du pays, la Chine sape pourtant les bases du droit international. D’abord, en mer de Chine. Elle revendique une grande partie de celle-ci, ignore les ZEE des pays voisins et poursuit des opérations de forage, de recherche d’hydrocarbures et de construction d’avant-postes militaires dans les eaux territoriales des Philippines, du Vietnam et de la Malaisie.

Elle s’assure ainsi une moins grande dépendance énergétique aux autres pays et un contrôle plus grand des routes maritimes sur lesquelles repose son économie. Elle va jusqu’à menacer les positions américaines, australiennes, indiennes et françaises dans le Pacifique et l’Océan Indien (notamment par les routes maritimes faisant partie du « Collier de Perles »). Par exemple, en avril 2019, un incident s’est produit dans le détroit de Taïwan entre un bâtiment de la Marine Nationale et de la Marine chinoise. La France a défendu la liberté de naviguer conformément au droit international, et la Chine a accusé la France d’entrer dans ses eaux territoriales alors que l’utilisation de ce couloir maritime est l’objet de tensions récurrentes. A ce titre, Taïwan est une autre pomme de discorde entre l’UE et la Chine, tout comme le Tibet et la mise en place du réseau 5G dans l’UE par Huawei, sous l’œil attentif des Américains. Plus récemment, la crise du coronavirus a nourri des controverses tant sur la gestion de la crise que sur l’attitude chinoise. 

Comme nous l’avons vu, les causes de mésentente entre la Chine et l’UE sont nombreuses, mais sont finalement révélatrices de l’opposition entre deux modèles politiques et deux cultures. Mais moins conciliantes, les démocraties européennes adoptent peu à peu une posture plus ferme concernant la Chine.


De nouvelles relations en faveur d’un rééquilibrage

L’UE voit maintenant sa relation avec la Chine à l’aune d’un rééquilibrage de leurs relations. Dans les discours, que cela vienne des principales capitales européennes, dont Paris et Berlin, ou bien directement de Bruxelles, la Chine est à la fois considérée comme un adversaire et un partenaire. Cette volonté de rééquilibrage répond aussi à des objectifs de politiques intérieures et extérieures de l’UE. D’une part, cela permettrait une plus grande cohérence dans sa politique internationale et dans les actions bilatérales des Etats membres. D’autre part, il s’agit de renforcer l’image d’une UE qui paraît molle et peu encline à adopter des mesures contraignantes envers le géant chinois. Enfin, c’est pour l’UE l’occasion de se montrer ferme, mais surtout de faire admettre qu’elle est capable d’entrer dans le jeu des grandes puissances et de se positionner comme telle, alors qu’elle est vue comme un nain géopolitique. 

A titre d’exemple, cette politique s’est illustrée en 2019 par l’accueil à Paris du Président chinois Xi Jinping par Emmanuel Macron. Ce qui devait être au départ une rencontre bilatérale s’est transformée en une sorte de petit sommet sino-européen avec l’arrivée d’Angela Merkel et du précédent président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, aux côtés du président français. L’idée était de montrer à Xi que l’Europe était bien présente. L’année 2019 a aussi été marquée par plusieurs prises de position de l’UE en ce sens : la caractérisation  de la Chine comme  « rival systémique », le règlement sur le filtrage des investissements étrangers ou encore les limitations — ou du moins les réserves — concernant l’installation des équipements Huawei.

Plusieurs de ces sujets étant extrêmement sensibles aux yeux de Pékin. Par ailleurs, en 2020, nombre de négociations étaient prévues entre l’UE et la Chine. Pour n’en citer qu’un, la Commission a publié un Livre Blanc dans lequel elle détaille de multiples mesures législatives visant à appliquer le droit de la concurrence européenne aux entreprises des pays-tiers. Celui-ci vise au surplus la Chine et les aides d’Etat qu’elle fournit à ses entreprises, et qui faussent la concurrence lorsqu’elles s’invitent sur les marchés publics européens. En plus de cela, l’UE a non seulement déjà adopté des prérogatives permettant à la Commission d’agir face à la Chine et à des pratiques mises au jour — en témoignent les droits de douane opposés sur certains produits en provenance d’Egypte, qui n’étaient en réalité qu’un point de transit depuis la Chine — mais surtout l’expérience qu’elle accumule face à d’autres pays : la Russie, et plus récemment les Etats-Unis.

Mais l’enjeu d’un rééquilibrage n’est pas à chercher simplement du côté de la Chine. En d’autres termes, cette politique ne vise pas seulement à rétablir un dialogue qui se ferait sur un pied d’égalité entre Européens et Chinois. L’UE cherche par là un moyen de se défaire de la politique extérieure américaine et de créer sa propre voie. Ceci notamment depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche et sa politique d’affrontement brutal avec la Chine. 


En résumé

Pour conclure cet article, nous pouvons sans ambiguïté dire que les relations entre l’UE et la Chine sont émaillées de tensions plus ou moins importantes, mais qui ne sont pas en mesure d’impacter de façon irréversible l’importance du lien commercial. En effet, les deux économies sont si interdépendantes qu’elles ne peuvent pas se permettre de porter atteinte à leur plus grand atout: leur puissance économique. Ainsi, même si les liens se sont grandement développés et que leur vision réciproque s’est adaptée à une plus grande réalité géopolitique, l’UE et la Chine sont condamnées à ne pas développer à leur maximum leurs relations stratégiques. A tout du moins, si l’UE ne prend des décisions décisives pour rééquilibrer la balance en sa faveur, comme elle en a pris la route ces dernières années. 

L’Union européenne et la Chine en chiffres


Bibliographie

Articles de presse:

Sources institutionnelles:

https://ec.europa.eu/trade/policy/countries-and-regions/countries/china/

Articles de recherche/thèses/travaux universitaires:

  • Cabestan, Jean-Pierre. « Chapitre 9 / La Chine et l’Union européenne ou les limites de l’exercice multipolaire », , La politique internationale de la Chine. Entre intégration et volonté de puissance, sous la direction de Cabestan Jean-Pierre. Presses de Sciences Po, 2010, pp. 333-358.
  • MEUDEC Olivia, LA CHINE, TALON D’ACHILLE DE L’UNION EUROPÉENNE, IRIS, MAI 2017
  • Sylvain KAHN, Estelle PRIN, Sur l’Europe, avec la Covid 19, la Chine tombe le masque, Fondation Robert Schumann, Policy Paper, Septembre 2020

Encyclopédie:

– Nashidil ROUIAÏ, « NOUVELLES ROUTES DE LA SOIE », Encyclopædia Universalis [en ligne]. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/nouvelles-routes-de-la-soie/

L’antenne International Security and Defense rappelle que le contenu de cet article n’engage que son auteur

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