Quels enjeux de défense pour les pays baltes face à la Russie ?

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      Le 14 septembre 2017, la Russie lançait « Zapad 2017 » (« ouest 2017 » en russe), une série d’exercices et de manœuvres militaires le long de sa frontière avec la Lituanie (frontière avec la région russe de Kaliningrad, cf. carte ci-dessus).

Si le Kremlin a tenté de rassurer en indiquant que ces exercices avaient une vocation « purement défensive » et qu’ils étaient pratiqués chaque année dans une région différente de la Russie, plusieurs membres de l’OTAN y ont vu une démonstration de force préoccupante.

1/ Contexte historique des tensions entre les pays baltes et la Russie

      Envahis par l’URSS suite au pacte germano-soviétique de l’été 1939, les pays baltes sont ensuite annexés par cette dernière. Les opposants hostiles à l’URSS commencent alors à être massivement déportés.

Cinquante-et-un ans plus tard, en 1990, les trois pays s’auto-déclarent indépendants mais, en janvier 1991, les troupes soviétiques les envahissent à nouveau : ils tuent plusieurs civils et attaquent des bâtiments, notamment à Vilnius. C’est ce que l’on appelle les « évènements de janvier » qui ont pour objectif de reprendre le contrôle de l’Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie.

Pourtant, quelques mois après ces évènements, les pays baltes réussissent à organiser des référendums sur leur indépendance qui obtiennent 90% de voix favorables en Lituanie, 77% en Estonie et 73% en Lettonie. Les pays doivent toutefois attendre l’arrivée au pouvoir en URSS de Boris Eltsine, en juillet 1991, pour que leur indépendance soit reconnue, deux mois plus tard.

Cependant, les troupes russes ne quittent définitivement leurs bases sur place qu’en 1994. Moscou attend même jusqu’en 1996 pour signer un accord sur le tracé de sa frontière avec l’Estonie.

2/ Vives tensions côté russe

      Une des raisons de ces tensions est culturelle. Sur environ cinq millions d’habitants dans les pays baltes (données de 2016), deux millions sont russophones. Ces « pieds-rouges » sont arrivés en Estonie, Lettonie et Lituanie au cours des années 1970 et 1980, pour travailler dans le bâtiment. Ils représentent aujourd’hui en moyenne 25% de la population en Estonie et Lettonie et 6% en Lituanie, et leur sort ne cesse de faire augmenter les tensions avec le Kremlin.

En effet, alors que la majorité des populations russes des nouveaux Etats indépendants d’Asie centrale (Kazakhstan en tête) ont choisi de revenir en Russie après la chute de l’URSS, les baltes russophones ont choisi de rester sur place. Les principales raisons de cette décision étant les conditions de vie qui sont meilleures dans les pays baltes. Les enquêtes d’opinion de ces dernières années montrent ainsi que la majorité de ces russophones ne souhaitent pas que les pays baltes soient rattachés à la Russie.

      Pourtant, ils n’ont pas les mêmes droits culturels que les Baltes, ce qui crée plusieurs frustrations que la Russie entretient en accusant les trois Etats de discrimination à l’égard de ces minorités russophones et en développant un climat anti-balte. Cela mène à une intense bataille de propagande depuis quelques mois entre les deux parties à propos de ces minorités.

Cela va plus loin puisque nombre d’ « incidents » impliquant des avions de chasse russes, des sous-marins ou encore des interventions au sol russes ont augmenté ces dernières années. De son côté la Russie reproche à l’OTAN d’avoir violé l’espace aérien finlandais, non membre de l’organisation. Le 1er août dernier, en effet, deux avions espagnols F-18 de l’OTAN ont intercepté plusieurs avions russes au-dessus des eaux neutres de la Baltique, près de l’Estonie. L’organisation a ensuite reconnu avoir violé «accidentellement» l’espace aérien finlandais.

3/ Rôle de l’OTAN pour les pays baltes

      L’OTAN est très impliquée dans la défense des pays baltes puisqu’elle déploie plusieurs milliers d’hommes dans la région, à la demande des trois pays. En effet, ces derniers se sentent de plus en plus menacés par la Russie voisine et craignent pour leur souveraineté, notamment depuis l’annexion russe de la Crimée en 2014 et le déclenchement d’un conflit dans le Donbass (Est de l’Ukraine).

Jim Mattis, secrétaire américain à la Défense, a ainsi déclaré le 10 mai 2017 lors d’un déplacement à Vilnius que les Etats-Unis et l’OTAN étaient prêts à déployer les capacités nécessaires pour renforcer la défense des pays baltes.

Les pays baltes savent donc qu’ils peuvent compter sur l’OTAN pour contrer une éventuelle attaque russe puisque tout membre de l’organisation se doit de défendre tout autre membre de l’OTAN si ce dernier est attaqué « sur son territoire par une force armée étrangère et hostile. »

Cependant, un certain niveau d’incertitude demeure chez les baltes concernant l’aide américaine en cas d’attaque russe, notamment depuis l’élection de Donald Trump. En effet, le président américain ne cache pas son admiration pour son homologue russe et a déclaré à plusieurs reprises que les Etats-Unis devraient revoir leur niveau d’engagement au sein de l’OTAN.

Pour l’instant l’organisation continue de renforcer ses effectifs dans les pays baltes, invoquant une « menace russe » pour justifier son intervention militaire, la Russie de son côté, invoque une intensification de la présence de l’OTAN aux portes de son territoire et une augmentation de ses effectifs, pour se défendre.

4/ Mesures prises par les pays baltes

      En plus de l’intervention de l’OTAN, les pays baltes prennent des mesures préventives en cas d’attaque de la Russie. La Lituanie a ainsi distribué 30 000 « guides de résistance civile » à ses concitoyens afin de les préparer à des « situations de guerre ». Le pays remet également en état les vieux abris antiatomiques et a annoncé la mise en place d’un mur de barbelés le long de sa frontière avec Kaliningrad.

L’armée estonienne, de son côté, effectue régulièrement des exercices militaires pour se préparer à une invasion de la Russie. Ces exercices servent surtout à montrer l’étendue de ses capacités militaires, comme l’étendue des nouveaux chars autonomes « THeMIS ADDER ».

Ainsi, aucun des deux côtés, russe ou balte, ne semble vouloir ralentir ou arrêter ces démonstrations de force.

Marie HAUPAS

Bibliographie :

https://www.taurillon.org/face-a-la-russie-les-pays-baltes-et-la-finlande-entre-anticipation-et

https://www.ouest-france.fr/europe/russie/l-exercice-militaire-russe-zapad-met-en-emoi-les-pays-baltes-5060990

https://www.francetvinfo.fr/replay-jt/france-3/19-20/les-pays-baltes-face-aux-velleites-russes_2205814.html

http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2017/05/10/97001-20170510FILWWW00323-les-usa-rassurent-les-pays-baltes-face-a-la-russie.php

http://www.lemonde.fr/europe/article/2017/09/14/debut-des-man-uvres-militaires-russes-aux-portes-de-l-ue_5185397_3214.html

http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/08/02/washington-rassure-ses-allies-de-l-est-face-a-moscou_5167791_3222.html

https://www.franceculture.fr/emissions/le-tour-du-monde-des-idees/bruits-de-botte-aux-frontieres-entre-baltes-et-russes

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89v%C3%A9nements_de_janvier

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