Le changement climatique: enjeu de la sécurité mondiale ?

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La conférence de Glasgow de 2021 sur le changement climatique se déroule actuellement et la pression d’égaliser les succès de la COP 21 en 2015, durant laquelle l’accord de Paris a été adopté, se fait sentir. Les personnes expérimentées dans le domaine savent d’avance le chemin qu’empruntent les négociations de plus en plus complexes pendant cette période de deux semaines : Leonardo DiCaprio aura une expression sérieuse, Greta Thunberg sera furieuse et le secrétaire général des Nations Unies aura l’air profondément préoccupé.

Les préoccupations de ces individus sont légitimes. Depuis peu, la Terre est entrée dans l’époque dite Anthropocène, la période pendant laquelle les activités humaines ont eu un impact environnemental sur la planète. Cela constitue une ère géologique distincte dont les effets se font sentir. En effet,  aucun continent n’a été épargné des effets dévastateurs du changement climatique en 2021. Le mois de juillet 2021 a été le plus chaud jamais enregistré selon les données mises en évidence par  le National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) des États-Unis. En outre, un rapport d’évaluation du groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (IPCC), alerte sur des conditions climatiques telles que des canicules, des sécheresses et des inondations qui apparaîtront de plus en plus souvent si la situation ne s’améliore pas. 

Compte tenu de tous les changements que le changement climatique entraîne, on retrouve des questions importantes qui sont présentes dans quasiment toutes les négociations : Le changement climatique est-il un problème de sécurité ? Dans ce cas, doit-il être abordé comme une menace pour la sécurité mondiale ?En guise de réponse, plusieurs penseurs modernes ont affirmé que le lien entre l’environnement et la sécurité devient incontestable, et défendent de manière très claire l’idée que le changement climatique doit être traité comme un enjeu de sécurité et non seulement comme une question d’environnement.

Dans le domaine des relations internationales, le concept de “sécurisation” a vu le jour avec l’école de Copenhague, notamment avec des penseurs tels que Barry Buzan et Ole Waever. Selon Waever, la sécurisation est avant tout un “acte de parole”; c’est-à-dire que n’importe quel sujet économique, environnemental, social ou militaire doit faire l’objet d’un dialogue afin d’intégrer afin d’intégrer l’opinion publique. Cette intégration assure que la société perçoive cet enjeu comme étant fondamental pour assurer la sécurité nationale. Un exemple très pertinent de cette méthode est la menace du terrorisme, sécurisé par les Etats-Unis afin de mener une “guerre contre le terrorisme”.

La sécurisation des changements climatiques est en train de devenir un débat important, et plusieurs “actes de paroles” sont en cours de production pour l’affirmer. A l’approche de la COP 26, le Bureau du directeur national du renseignement des Etats-Unis (US Office of the Director of National Intelligence) a pour la première fois exprimé son inquiétude face à la menace pour la sécurité nationale posée par le changement climatique. António Guterres, le Secrétariat général de l’ONU, a mis en garde contre un “code rouge pour l’humanité”, ajoutant que “la sonnette d’alarme climatique est assourdissante”. 

Dans son discours à la COP 26, le Prince Charles, prince de Galles, a incité le monde à se mettre “sur le pied de guerre” ajoutant que la terre avait besoin “d’une vaste campagne de style militaire”. Boris Johnson, Premier ministre britannique, a dépeint un scénario dans lequel un échec de la COP 26 déclencherait “une colère et une impatience incontrôlables » dans le monde. Le message du scientifique Sir David Attenborough, mondialement connu pour ses efforts de conservation, est encore plus simple : “La plus grande menace depuis des millénaires est le changement climatique. Si nous n’agissons pas, l’effondrement de nos civilisations et l’extinction d’une grande partie de la nature sont proches”.

La sécurisation des changements climatiques ne devrait pas simplement impliquer qu’il soit retiré de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC) et inscrit à l’ordre du jour du Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU). Ce qu’il faut, ce n’est pas un recadrement de l’enjeu que présente le changement climatique pour le faire passer d’une question portant sur l’environnement et le développement durable à une question militaire. Il faut prendre une approche par laquelle la sécurisation des changements climatiques est poursuivi avec la même ardeur et adopter l’attitude “quel qu’en soit le coût financier” de mener un objectif à complétion, ce qui peut notamment être retrouvé dans la campagne de “la guerre contre le terrorisme” aux Etats-Unis. Le sentiment d’urgence qui accompagne la sécurisation des changements climatiques l’élève au niveau de la haute politique, exigeant ainsi plus d’attention et de ressources de la part des décideurs politiques.

“L’armée” requise dans ce cas est l’ensemble de la société – les gouvernements, le secteur privée, les ONG, la société civile et les jeunes – qui prendrait les choses en main afin d’éviter le point de basculement au-delà duquel nous risquons de ne plus pouvoir faire quelque chose pour inverser l’impact dévastateur des changements climatiques. La sécurisation de cet enjeu implique également que l’ensemble des pays développés aident les pays en voie de développement, les plus touchés par les effets des changements climatiques en matière de financement, de formation et de transfert de technologies.

La sécurisation des changements climatiques doit servir de moteur pour stimuler l’innovation économique et l’amélioration de la sécurité énergétique mondiale plutôt que de donner un feu vert aux interventions militaires. Pour autant, le rôle d’une armée ne pourrait pas être totalement exclu : l’armée adoptera dans ce contexte un rôle important dans le “mécanisme de réponse aux crises”. L’importance d’avoir un corps militaire bien formé et équipé afin d’assurer l’aide humanitaire, les secours en cas de crise et les opérations d’évacuation des non-combattants est essentielle.

Lors de la COP 23 en 2017, le Premier ministre fidjien Frank Bainimarama a prononcé un discours dans lequel il dressait les problèmes liés aux changements climatiques. En parlant de l’urgence d’agir, il utilise un symbole qui montre la responsabilité mondiale dans cet enjeu : “Nous sommes tous dans le même canoë”. Dans une époque post-COVID 19, ces mots sont encore plus prophétiques qu’avant. En considérant le changement climatique comme un enjeu de sécurité mondiale, l’humanité parviendra à comprendre à quel point nos destins sont liés. En effet, nous sommes tous dans le même canoë.

Sources: https://www.nationalgeographic.org/encyclopedia/anthropocene/

https://fr.euronews.com/2018/12/04/changement-climatique-la-plus-grande-menace-depuis-des-millenaires https://www.un.org/press/en/2021/sgsm20847.doc.htm

https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/

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