La région arctique : une zone d’opportunités et de risques

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Haferkamp, M. (2005, 18 juin). Isfjord, Ilulissat, Diskobay, West Greenland. Huge icebergs (up to 600 ft. high) and calv ice moving out of the Isfjord (Kangia) to the sea. In summer this movement is reaching a speed of 30 m. per day. July 1999, Position : 69° 10´ N, 50° 57´ W Sour [Photographie]. Arctique. https://fr.wikipedia.org/wiki/Arctique#/media/Fichier:Greenland_Ilulissat-36.jpg

En raison du réchauffement climatique, la région arctique a connu des records de température en 2020. Le programme environnemental de l’ONU à récemment indiqué que les températures dans l’Arctique pourraient augmenter de 3 à 5 degrés Celsius d’ici 2050, ce qui entraînera le dégel du permafrost et la fonte des glaces dans la région. De vastes zones précédemment recouvertes de glace et de neige seront alors exposées, offrant des opportunités inédites pour l’agriculture et l’exploitation minière, pétrolière et gazière ainsi que la pêche. Le contrôle de la route maritime du Nord offrira également un avantage stratégique car son dégel élargira la voie, ce qui réduira le temps de trajet entre l’Asie et l’Occident de 20 jours. 

La zone autour du Pôle nord et du cercle polaire est composée de deux zones : d’abord l’océan Arctique, qui est entouré directement par cinq Etat-nations (les Etats-Unis, le Canada, le Danemark et la Russie) ; puis la région arctique dans un sens plus large, car il n’y a pas de délimitation claire pour définir cette région. Ici s’ajoutent trois pays directement accolés à cette région : l’Islande, la Finlande et la Suède. 

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CIA World Factbook. (2010, 13 mai). Carte politique de la région arctique en français [Graphique]. Arctique. https://fr.wikipedia.org/wiki/Arctique#/media/Fichier:Arctic-fr.svg

Si cette région a la possibilité de devenir une zone très riche liées à ces activités économiques, il est aussi fortement possible qu’elle devienne le lieu d’un conflit entre plusieurs pays qui se voient tous comme des partis prenants dans l’espace arctique. A cause de ce contexte, la politique étrangère et la dimension diplomatique deviennent de plus en plus complexes. Cela restera le cas dans les années à venir sans intervention radicale de la population mondiale afin d’arrêter les effets du réchauffement climatique et par conséquent la fonte des glaciers. 

Ces enjeux internationaux peuvent être présentés sur trois dimensions : d’abord les opportunités économiques liées à la région arctique, puis l’ouverture d’une nouvelle voie maritime dans ce secteur, et finalement l’Arctique comme zone d’influence et de pouvoir.

L’activité économique de l’Arctique

La région arctique s’est déjà établie comme une zone d’influence particulière d’un point de vue économique. Elle concentre plusieurs industries telles que la pêche, la foresterie, l’exploitation minière du pétrole, du gaz et des minéraux, ainsi que le commerce maritime. Selon le rapport des États-Unis (the US geological survey report), l’Arctique pourrait contenir 670 trillions de pieds cubes de gaz naturel et l’équivalent d’environ 90 milliards de barils de pétrole, soit 30 % du gaz naturel et 13 % du pétrole mondial encore inexploité. Ces opportunités économiques expliquent l’intérêt porté à cette région par des Etats-nations externes.

De études faites d’abord par Duhaime et Caron en 2006, puis par Glomsrød et Aslaksen en 2009 ont montré que l’économie actuelle de la région arctique s’appuie sur l’extraction de ressources naturelles (les hydrocarbures, le nickel, les diamants et l’or), et dans une moindre mesure sur la pêche et la foresterie. Toutes ces industries se retrouvent face à des opportunités et des contraintes différentes liées au réchauffement climatique dans cet environnement : par exemple, l’accès aux ressources non renouvelables est considérablement facilité grâce à la fonte des glaces, mais cela entraîne aussi des  risques environnementaux importants. La région arctique n’a ni suffisamment d’infrastructures pour se lancer dans l’extraction de ressources à grande échelle, ni les stratégies clés pour assurer la sécurité environnementale de la zone.

Il y a plusieurs préoccupations légitimes quant à l’impact du développement économique de la région. Une industrialisation majeure de l’arctique entraînerait aussi un risque accru de pollution. La présence de substances radioactives, de métaux lourds ainsi que des incidents de marées noires contribueraient activement aux effets du changement climatique. 

Les effets du réchauffement climatique de façon générale se font sentir plus rapidement dans l’Arctique que dans les autres continents à cause d’un phénomène appelé l’amplification Arctique (“Arctic amplification”). Cette amplification de température est beaucoup plus significative aux deux pôles qu’au reste de la Terre. Par conséquent, l’Arctique est souvent utilisé comme un indicateur de l’augmentation globale de température, car elles seront ressenties là en premier. Pour cette raison, il est important de préserver l’écosystème arctique, car les dégâts environnementaux seront aggravés et entraîneront des conséquences extrêmes. Les opportunités économiques font de cette région un investissement très lucratif, mais il faut aussi prendre en compte que le coût environnemental de ces développements dépasserait de loin ses avantages. La réglementation des activités économiques est la clé pour réduire ces effets.

Une nouvelle voie maritime ?

Même si l’Arctique est une région très prometteuse en termes de ressources potentielles, le risque économique et politique reste très élevé. En raison de l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, les périodes de dégel seront prolongées. Si cela se produit, cette région ouvrirait de nouvelles voies maritimes et donnerait de nouvelles opportunités de développement économique. 

Cette nouvelle ouverture aurait un effet marquant sur les tendances commerciales globales et doit alors être régulée d’une façon encadrée. Un défaut de régulation produirait un conflit potentiel entre les Etats nations arctiques.  La ruée pour la sécurisation et l’accès aux ressources dans la zone arctique sera un enjeu primordial du XIe siècle : c’est le “cold rush”. Le défi politique consisterait alors à faire coexister les intérêts de différents pays dans cette région.

L’émergence de nouvelles voies maritimes donnerait un avantage considérable aux nations comme la Chine, même si elle ne borde pas directement la région Arctique. Des études ont suggéré que si les navires chinois empruntaient la route polaire – en passant de Shanghai à Hambourg au lieu de prendre la route traditionnelle sur l’océan Indien – cela pourrait réduire la distance de voyage de 2 800 milles nautiques, soit 20 jours de trajet. Cela explique l’intérêt porté par la Chine pour cet espace, qui en 2013 devient un Etat du Conseil de l’Arctique et se classifie en tant qu’Etat “quasi Arctique”. 

En tant qu’Etat arctique, la Russie porte un intérêt particulier à cette région pour étendre sa puissance sur la route maritime du Nord. Cette route, très utilisée dans le cadre du transport maritime intérieur en Russie, longe la Sibérie de la mer de Kara au détroit de Béring et fait partie de la zone économique exclusive russe. Dans ce contexte, la fonte des glaciers dans cet espace signifierait une augmentation de la zone sous contrôle russe.

Arctic Council. (2009). Map of the Arctic region showing shipping routes Northeast Passage, Northern Sea Route, and Northwest Passage, and bathymetry [Graphique]. Northern Sea Route. https://en.wikipedia.org/wiki/Northern_Sea_Route#/media/File:Map_of_the_Arctic_region_showing_the_Northeast_Passage,_the_Northern_Sea_Route_and_Northwest_Passage,_and_bathymetry.png

La région arctique : une nouvelle zone d’influence et de pouvoir

La région arctique est primordiale pour les cinq États de l’océan Arctique, à savoir les Etats-Unis, le Canada, la Russie, la Norvège et le Danemark. La région arctique est régulée par des lois et des régulations propres à chaque Etat arctique et fait aussi partie d’accords bilatéraux, régionaux et internationaux. Le cadre législatif de cette zone dans sa totalité est la Convention des nations unies sur le droit de la mer (UNCLOS) établie en 1982. Selon la convention, les cinq États bordant l’océan Arctique ont un contrôle sur toutes les ressources vivantes et non vivantes qui tombent à l’intérieur de leur propre zone économique exclusive. 

Pour sa part, la Russie a pris des mesures pour assurer sa domination de la région. En effet, Poutine crée un nouveau commandement militaire dans l’Arctique russe en 2014. En avril 2021, le ministre russe de la Défense Sergei Shoigu affirme que le pays se focalise sur l’amélioration de ses capacités dans l’Arctique en réponse à une augmentation de l’activité militaire de l’Organisation  du traité de l’Atlantique Nord (l’OTAN). 

Dans le contexte politique actuel avec la guerre en Ukraine, la situation dans l’Arctique est encore plus complexe. Pour unifier l’Europe en tant que pouvoir militaire, la Suède et la Finlande ont tous les deux indiqué qu’elles pourraient rejoindre l’OTAN dans les semaines qui viennent, ce qui fera de la Russie le seul Etat Arctique qui n’en fait pas partie. Si la Suède et la Finlande deviennent membres de cette organisation militaire, la région arctique deviendrait une zone de conflit potentiel au lieu d’une région de coopération. Dans ce scénario, la Russie sera en compétition encore plus rude avec les Etats arctiques de l’OTAN, exacerbant les tensions déjà présentes.

Sources : 

Quillérou, E., Jacquot, M., Cudennec, A., & Bailly, D. (s. d.). The Arctic : Opportunities, Concerns and Challenges. https://www.ocean-climate.org/. Consulté le 17 avril 2022, à l’adresse https://www.ocean-climate.org/wp-content/uploads/2017/03/the-arctic_07-9.pdf

Council on foreign relations. (s. d.). The Emerging Arctic. Consulté le 17 avril 2022, à l’adresse https://www.cfr.org/emerging-arctic/#!/

McFarland, K. (2019, 30 avril). A Warmer Arctic Presents Challenges and Opportunities. New Security Beat. Consulté le 17 avril 2022, à l’adresse Https://www.newsecuritybeat.org/2019/04/warmer-arctic-presents-challenges-opportunities/

Sayer, L. (2021, 8 décembre). Climate explained : why is the Arctic warming faster than other parts of the world? International Science Council. Consulté le 17 avril 2022, à l’adresse https://council.science/current/blog/climate-explained-why-is-the-arctic-warming-faster-than-other-parts-of-the-world/


Bye, H. (2021, 14 avril). Russia Pays Considerable Attention to Improve Arctic Infrastructure, says Defence Minister. High North News. Consulté le 17 avril 2022, à l’adresse https://www.highnorthnews.com/en/russia-pays-considerable-attention-improve-arctic-infrastructure-says-defence-minister

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