Le groupe Wagner : hommes de l’ombre de Vladimir Poutine

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Apparu pour la première fois aux côtés des séparatistes pro-russes de l’Est de l’Ukraine, le groupe Wagner est un groupe de mercenaires russe, financé par un oligarque russe, Evgueni Rpigojine. Recrutant ces membres parmi les anciens soldats de l’armée russe, ce groupe sert à défendre les intérêts extérieurs de la Russie et est accusé d’être soutenu par Vladimir Poutine. Hommes de l’ombre du gouvernement russe, leur existence refait sur face sur la scène internationale depuis le début du conflit ukrainien. Retour sur les actions de cette société secrète. 

L’historique du groupe 

Wagner était le surnom de Dimitri Utkin, un ancien soldat des forces spéciales russes mais surtout un néonazi admirateur du 3ème Reich. Son surnom viendrait donc du compositeur allemand préféré d’Hitler, Richard Wagner. Le maître de l’organisation reste Evgueni Rpigojine, gangster russe qui a réussi à intégrer le cercle rapproché de Poutine en ouvrant un restaurant de luxe et qui finance le groupe avec sa société « internet research agency ». 

Si le Kremlin nie en bloc tout rapport avec l’organisation, plusieurs sources les soupçonne de bénéficier des infrastructures du ministère de la Défense russe. C’est pourquoi Amnesty International surnomme ce groupe « l’armée secrète de Vladimir Poutine ». Dès lors, l’intérêt stratégique de l’organisation est majeur, elle permet à la Russie de contester son implication dans les conflits où Wagner est présent sans être tenu responsable de ces agissements. 

Les principales actions 

Techniquement, la Russie n’a pas de sociétés militaires privées, la participation ou les tentatives d’organisation de telles entités sont punies par le code pénal russe. Cependant, le groupe Wagner en est une illustration. Malgré le revers du massacre de Deir ez-Zor, début 2018, le groupe Wagner a réussi à se forger une solide réputation grâce à un excellent rapport qualité-prix et à un statut illégal qui lui permet de minimiser le risque d’exposition, tant pour la Russie que les pays d’accueil. 

Par exemple, la participation de sociétés militaires privées russes est ouvertement admise en RCA, le groupe étant proche du président Faustin-Archange Touadéra. L’arrivée du groupe au Soudan se serait produite à la fin de l’année 2017 à la suite d’un accord conclu entre Moscou et Khartoum, dans le cadre de négociation à Sotchi. En effet, l’ancien dictateur soudanais Omar el-Béchir aurait signé plusieurs documents dont une concession d’exploitation aurifère mentionnant le groupe M-Invest, lié à Evgueni Rpigojine. Le service de sécurité ukrainien (SBU) a réalisé une étude sur le déploiement des membres du groupe dans le pays et en a conclu que celui-ci était principalement impliqué dans la formation des forces armées locales et des groupes paramilitaires tout en ayant participé à la répression des manifestations anti-Béchir en décembre 2018. De la même manière, des sources locales ont affirmé que les paramilitaires se trouvaient dans le centre de Khartoum et qu’ils formaient les forces d’opérations spéciales des services nationaux de renseignement et de sécurité (NISS). En conséquence, la Russie a admis sa présence dans le pays tout en continuant de nier en bloc son lien avec le groupe. 

Il y a pourtant un pays où l’action du groupe Wagner a échoué. En effet, au Mozambique, les dirigeants politico-militaires locaux attendaient des mercenaires qu’ils mènent une guerre antiguérilla dans la provine rebelle de Cabo Delgado, dotée de gaz naturel.  Après deux confrontations avec les rebelles locaux, les mercenaires russes ayant subi des pertes massives ont interrompu leurs opérations dans le pays. Des experts spécialisés dans les opérations de contre-insurrection ont expliqué que l’action du groupe était vouée à l’échec dès le début. En effet, si l’école militaire soviétique a mené avec franc succès des opérations visant à organiser des mouvements insurrectionnels, les modes opératoires n’étaient pas appropriés à la mission de contre-insurrection confiée par le gouvernement local. 

Le 23 décembre dernier, la France et 14 pays dont le Canada et les pays européens intervenant militairement au Mali, (Allemagne, Royaume-Uni ou encore les pays intervenant au sein de Takuba, la coalition de forces spéciales regroupant 10 Etats) ont affirmé dans un communiqué qu’un certains nombres d’éléments matériels leur permettait d’affirmer que le groupe Wagner déployait des mercenaires au Mali. 

Pour la première fois au Conseil de sécurité de l’ONU, mardi 22 février, la France et les Etats-Unis ont accusé les mercenaires du groupe d’avoir massacré et exécuté des dizaines de civils en janvier en Centrafrique. 

Les sanctions mises en place par l’Union Européenne 

Le 13 décembre dernier, le conseil de l’Union européenne a annoncé avoir sanctionné la société de sécurité privée Wagner de même que trois sociétés, Evros Polis, Mercury et Velada, implantées en Syrie dans les secteurs du pétrole et du gaz, et huit personnes qui lui sont associées : le fondateur du groupe, Faustin-Archange Touadéra, Denis Kharitonov, chef militaire dans la région séparatiste du Donbass, en Ukraine, Andreï Troshev, directeur général du groupe pour les opérations en Syrie et Valery Zakharov, un conseilleur pour la sécurité du président de la République centrafricaine. Nous savons seulement que les quatre autres personnes visées sont des mercenaires réputés actif en Syrie, Libye et en Ukraine. 

Accusé d’avoir « recruté, formé et envoyé des agents militaires privés dans des zones de conflits du monde entier afin d’alimenter la violence, de piller les ressources naturelles et d’intimider les civils en violation du droit international », la décision a été approuvée à l’unanimité des ministres des affaires étrangères de l‘Union européenne et a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne, rendant son entrée en vigueur immédiate. Consistant seulement en une interdiction de visas pour les personnes et le gel des avoirs dans l’Union européenne, ces sanctions ont pour objectif de mettre un terme aux « activités subversives du Groupe Wagner » en décourageant d’autres pays à recourir aux services du groupe. 

En parallèle, mi-novembre, un régime de sanctions liées au Mali a été approuvé mais constitue plutôt un avertissement pour la junte au pouvoir à Bamako qui avait pris ces distances avec la France et avait commencé à se rapprocher du groupe. 

Un rapport établi par le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) constatait que le groupe dirige un bataillon de la République centrafricaine, troupe qui avaient été formées par l’Union européenne dans le cadre de la mission EUTM RCA, lancée en 2016. En novembre dernier, le rapport faisait état de plusieurs centaines de membres du groupe en RCA, alors que 2600 membres militaires russes seraient sur place. Si officiellement, le groupe apporte son soutien au régime du président Faustin-Archange Touadéra en combattant la rébellion armée, il vise officieusement les ressources minières à l’ouest et au centre du pays. 

Le groupe Wagner et l’Ukraine 

Berceau de la naissance du groupe en 2014, l’Ukraine comptait près de 4 000 agents du groupe Wagner déployés sur son territoire avant l’invasion russe en février dernier. Le SCRS fait état de leur présence lors de l’annexion de la Crimée et de leur rôle de déstabilisation et de consolidation du contrôle sur la Crimée et le Donbass. 

Le journal The Times, a annoncé que 400 mercenaires se seraient vu attribuer une liste de 23 cibles avec pour mission d’assassiner le président ukrainien Volodymyr Zelensky afin de renverser son gouvernement mais également le maire de Kiev, Vitali Klitschko. Ils seraient donc arrivés cinq semaines avant l’offensive et se seraient dirigés vers Kiev le 24 février. 

Pour autant, la pertinence de leur intervention en Ukraine questionne. Etant donné que la décision d’intervenir et d’envahir l’Ukraine est publique, le groupe n’a aucun intérêt à intervenir et devrait poursuivre ses activités secrètes sur le continent africain. 

Pour tenter de calmer l’activité en recrudescence du groupe, le Royaume-Uni a annoncé le 24 mars une série de sanctions contre 59 particuliers et entreprises russes, parmi lesquelles figure le groupe Wagner. 

En attendant, de nouvelles mesures, le groupe continue son activité, protégé par un gouvernement russe totalement acquis à sa cause, qui en profite pour mettre en œuvre ces objectifs politiques officieux et agir dans son intérêt, sans avoir à réponse des conséquences préjuidicables. 

Sources : 

Le groupe Wagner sanctionné par l’Union européenne (lemonde.fr)

En Centrafrique, un bataillon formé par l’UE serait sous la coupe de Wagner (lemonde.fr)

Le groupe Wagner : qui sont – ils ? – Mister Prépa (misterprepa.net)

Wagner, l’armée fantôme et illégale de Poutine – Geo.fr 

Paris et ses alliés dénoncent le déploiement du Groupe Wagner au Mali (lemonde.fr)

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