Flottes enclavées

Flottes enclavées

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Bien que n’ayant pas accès à la mer, de nombreux pays enclavés possèdent une marine militaire. C’est le cas par exemple du Kazakhstan, ou encore de la Bolivie et de la Suisse. Alors que l’on pourrait penser qu’une telle force est accessoire, elle revêt pour ces pays sans littoral maritime une certaine utilité.

Qu’est-ce qu’une flotte maritime ?

Une flotte maritime militaire regroupe à la fois les équipements militaires des forces navales de surface et les forces navales sous-marines. Tandis que la seconde catégorie regroupe bien entendu les sous-marins d’attaques et les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), la première renvoie plus largement aux porte-avions et porte-hélicoptères, ainsi qu’aux destroyers, croiseurs ou frégates. Les bâtiments maritimes utilisés par les garde-côtes sont, eux aussi, considérés comme équipements militaires de surface. Atout décisif des pays ayant un accès direct à la mer, elle est également importante, quoique en plus petite quantité, pour les pays enclavés.

Des pays sans littoral, mais équipés d’une flotte militaire

Parmi les pays n’ayant pas un accès à la mer, certains possèdent donc leur propre force navale indépendante. C’est le cas par exemple du Kazakhstan, qui, bien qu’enclavé, possédait 15 navires de guerre en 2021. Ces navires sont pour la plupart déployés sur le mer Caspienne : il s’agit en effet de l’une de ses frontières naturelles, partagées avec l’Azerbaïdjan et la Géorgie. Comme le Kazakhstan, le Turkménistan est équipé d’une marine militaire, certes de taille réduite (on comptait en 2021 quatre navires de guerre), également déployée sur la Mer Caspienne. Ce ne sont pas les seuls pays à s’être dotés d’une force navale militaire : la Bolivie, équipée en 2021 de 173 navires, est présente principalement sur le lac Titicaca, frontière naturelle du pays avec le Pérou voisin.

Pour d’autres pays, posséder des bateaux militaires ne sous-entend pas forcément que ces navires représentent à eux seuls une force navale militaire : ils sont pour la plupart utilisés par les autres armes du pays, et ce surtout par les forces terrestres. C’est le cas de la République centrafricaine, dont les Forces armées centrafricaines déploient des vedettes sur la rivière de l’Oubangui. Frontière avec le Congo, la rivière Oubangui représente également un enjeu stratégique, car elle donne un accès à l’Océan Atlantique, en se jetant dans le fleuve Congo. Cet affluent permet également le développement des cultures dans les pays qu’il traverse. La Marine française y a par ailleurs déployé une base navale depuis décembre 2013.

La Mongolie, elle aussi, possède une flotte maritime militaire, utilisée par les autres armes de son armée. Historiquement, ce pays possédait l’une des plus importantes flottes militaires du monde, jusqu’à ce que celle-ci coule durant l’invasion du Japon par les Mongols. Recréée dans les années 1930, la flotte mongole était composée en 1990 d’un seul navire, le Sukhbaatar III et de sept hommes. De plus large au monde, elle est dès lors passée à plus petite flotte militaire mondiale. Aujourd’hui, la Mongolie n’a pas de flotte armée à proprement parler, mais elle possède quelques bâtiments, qui patrouillent sur le Lac Buir, frontière entre la Mongolie et la Chine. Depuis 2018, dans le cadre du sous-programme « Buir Nuur », le pays développe de nouvelles technologies, afin d’améliorer la protection de sa frontière.

D’un autre côté, certains pays sans littoral possèdent bel et bien une force navale, mais celle-ci est non-indépendante. C’est ainsi le cas de la Suisse : l’Armée suisse possède des patrouilleurs, déployés sur les lacs frontaliers Constance, Léman, Majeur ou de Lugano. Les 11 canots patrouilleurs 80/98 utilisés auparavant, sont remplacés depuis 2019 par quatorze canots patrouilleurs 16. Plus stables et à la pointe de la technologie, ces canots permettent aux garde-côtes suisses d’effectuer un tir à 360°, grâce à sa mitrailleuse lourde fixée sur la superstructure du canot. Les bâtiments navals suisses sont également mis à contribution lors de missions de soutien aux autorités civiles, telles que la police ou les garde-frontière. L’achat de ces nouveaux canots, d’un montant de 49 millions de francs suisses, a eu lieu alors que la question se posait d’équiper les forces militaires du pays de nouveaux avions de chasse.

Source: DEFENSIO 4-2018, Nouveaux canots P16

Pourquoi développer une marine militaire sans littoral ?

La marine de guerre est un corps important des armées d’un pays, en temps de guerre comme de paix. Qu’il s’agisse de dissuader, de protéger ou de connaître et anticiper afin de prévenir les conflits, elle permet aux Etats d’étendre leur influence au-delà de leurs frontières. Outil diplomatique stratégique, la présence d’une flotte maritime peut permettre d’éviter toute confrontation directe.

Il est donc tout à fait compréhensible qu’un Etat ayant accès à la mer développe sa force maritime militaire, afin d’asseoir sa puissance sur le plan international. Mais qu’en est-il des pays enclavés ? Quels sont le rôle et l’intérêt d’une flotte sans accès direct à la mer ?

On l’a vu, la plupart des forces navales militaires des pays enclavés sont utilisées à des fins de garde-frontière. De nombreux pays sans littoral maritime possèdent une frontière naturelle constituée par un lac ou un fleuve. Comme toute frontière, elle doit être protégée pour garantir la sécurité du pays : un pays sans littoral peut donc éprouver le besoin d’y patrouiller avec une force navale militaire, et doit donc s’équiper de bâtiments. Les navires utilisés par un pays sans littoral sont, pour la plupart, de petite taille. On retrouve le plus souvent des patrouilleurs, bateaux qui assurent le plus souvent les différentes missions de souveraineté propre à un État dans son domaine maritime. D’un coût moins élevé, il permet aux pays ayant un budget moins important de se constituer une flotte maritime militaire.

Du côté de la Suisse, l’idée n’est pas de se défendre contre ses voisins français ou italien, mais plutôt d’être en mesure d’apporter leur soutien, à tout moment. Dans une interview donnée à Le Temps, l’adjudant-major Marco Pezzotti explique que ces dernières années ont enregistré une demande plus forte en matière de soutien, notamment pour assurer la sécurité du G8 à Evian (2003) ou encore celle du sommet de la francophonie à Montreux (2010)

En somme, bien qu’on ne pense pas souvent qu’un pays enclavé ait intérêt à se doter d’une flotte maritime militaire, elle revêt pour eux comme pour un pays ayant un accès direct à la mer, une importance non négligeable. Bien que souvent plus petite, elle permet aux pays sans littoral maritime de protéger leurs frontières naturelles et d’en assurer la sécurité.

Sources:

Communiqué du gouvernement mongole, Découverte de la protection des frontières du lac Buir  :  http://bpo.gov.mn/content/171?

Les forces navales des pays sans littoral, https://fr.wikipedia.org/wiki/Forces_navales_des_pays_sans_littoral

Marine suisse – canot P16, https://www.fortlitroz.ch/marine-suisse-canot-p16/

Courrier international, 23 novembre 2020, https://www.courrierinternational.com/article/defense-mitrailleuse-radar-et-cervelas-la-suisse-renouvelle-aussi-sa-marine 

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