Corée du Nord et Corée du Sud, tensions sous-jacentes et menaces de guerre

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Article écrit par Emma Restaino, étudiante à Paris 1 Panthéon-Sorbonne. 

C’est au moment où elle va enfin pouvoir tenir son destin entre ses mains que la Nation coréenne est scindée en deux Etats distincts, très vites transformés en objets dans la lutte entre les deux blocs durant la Guerre Froide. Aujourd’hui, si les deux Nations cohabitent, la paix est davantage une façade fragile qu’une réalité crédible. 

Guerre de Corée et séparation définitive d’une Nation

Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, le nord de la Corée est occupé par les forces soviétiques et le sud par les forces américaines. Bien vite cependant, les deux puissances entrent dans la Guerre Froide et ce sont deux modèles idéologiques opposés qui se font face en Corée. Face aux américains qui souhaitent la tenue d’élections démocratiques, les soviétiques rêvent d’étendre le modèle communiste. Alors que la Corée du Sud vient de déclarer son indépendance et a promulgué sa Constitution le 17 juillet 1948, la Guerre de Corée éclate alors en 1950. Le nord de la Corée, soutenu par l’URSS les volontaires chinois fait face aux Etats-Unis et à l’ONU se battant aux côtés de la Corée du Sud. Malgré un premier succès soviétique en 1951 : seul le « périmètre de Busan » reste sud-coréen, la Corée du Nord ne parvient pas à occuper toute la péninsule. L’armistice est signé en 1953 alors que le conflit a fait plus de deux millions de morts. Il laisse derrière lui un pays irrémédiablement divisé.

Deux Etats indépendants se constituent définitivement d’un côté et de l’autre du trente-huitième parallèle autour duquel est délimitée une zone démilitarisée.

Au sud, la République de Corée prend son essor notamment grâce à l’aide américaine dans de nombreux domaines. Elle développe son plan industriel et vit une véritable croissance économique. La première élection libre a eu lieu en 1948 suivies quarante ans après d’élections parlementaires libres.

Au nord, c’est un Etat communiste fermé sur lui-même et auto-suffisant qui se met en place. La République populaire démocratique de Corée se construit en diabolisant les Etats-Unis et à grands renforts de propagande, mettant en place une dictature basée sur le culte de la personnalité de Kim Il-Sung, fondateur du régime.

Une paix entachée de provocations multiples

Si les deux Etats membres de l’ONU ont signé l’armistice de Panmunjeom le 27 juillet 1953, les relations qu’ils entretiennent sont tendues et le climat entre les deux voisins ne s’est pas départi de tensions depuis. Parfois plus que des attaques concrètes, la Corée du Nord se fait adepte des menaces ayant la plupart du temps pour seul but d’exacerber les peurs. En 1994, alors qu’il devient évident que la Corée du Nord va poursuivre son programme nucléaire, l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) met fin à son programme d’assistance technique et les Etats-Unis valident un programme de sanctions économiques. En réponse à cela, la Corée du Nord menace de « noyer Séoul dans une mer de feu »[1] si les sanctions économiques sont bel et bien mises en place. Cette déclaration sème la panique et de nombreux coréens par exemple commencent à faire des stocks afin de pouvoir tenir en cas d’attaque. Des diplomates américains sont mêmes rapatriés.

Ce genre de menaces a été proféré à de nombreuses reprises, leur quantité augmentant à l’arrivée au pouvoir d’un nouveau leader sud-coréen. Mais une question se pose chaque fois : faut-il prendre la menace au sérieux ?

Durant les cinquante années passées, de nombreux incidents et attaques ont eu lieu et, si l’on ne peut prouver la culpabilité de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) à chaque fois, celle-ci ne fait souvent pas de doute aux yeux de la communauté internationale. En 1967, le vaisseau sud-coréen le Dangpo est attaqué et coulé dans la Mer Jaune, zone de conflits territoriaux importants. En 1968, c’est le vaisseau américain l’USS Pueblo qui est attaqué au large de la Corée du Nord. Quatre-vingt-deux passagers sont faits prisonniers et retenus pendant onze mois car suspectés d’espionnage par le régime nord-coréen. Il faudra de longues procédures et des excuses américaines pour qu’ils soient libérés. Les assauts continuent et en 1987, l’attaque d’un avion commercial de Korean Airlines cause la mort de cent quinze personnes. Niée dans un premier temps, l’attaque est reconnue en 1988 lors d’une conférence dans les locaux des services secrets sud-coréens par l’agent nord-coréenne Kim Hyon-Hui qui avait placé la bombe dans l’appareil. Si d’autres attaques mineures ont eu lieu ensuite, l’exemple le plus flagrant de l’agressivité flottante entre les deux Etats est l’année 2010. En effet, en mars, le vaisseau de guerre sud-coréen Cheonan qui naviguait dans des eaux de la Mer Jaune disputées par les deux Etats est touché et coupé en deux par une torpille sous-marine causant la mort de quarante-six marins. Cette attaque, que l’enquête internationale a identifiée comme venant de la Corée du Nord est niée vertement par cette dernière qui menace de guerre les Etats qui la sanctionnent. De fait, cette violation de l’armistice de 1953 a donné lieu à de nombreuses sanctions économiques de la part des Nations Unies et de la Corée du Sud également qui a arrêté de traiter avec ses voisins suite à ces événements, renonçant à des représailles armées qui auraient mené à une guerre certaine. En novembre de la même année, la République populaire mène une attaque d’artillerie contre le sud sur l’île de Yeonpyeong, conséquence des désaccords quant aux limites maritimes entre les deux pays.

Depuis l’armistice, les rapports entre la République populaire démocratique de Corée et la République de Corée ne se sont guère apaisés. Malgré plusieurs tentatives de négociations notamment réunissant les Etats Unis, les deux Corées, l’URSS, le Japon et la Chine, aucune n’a permis de mettre en place une situation de paix durable. En 2005, il avait semblé qu’un accord était atteint : les nord-coréens mettaient un frein à leurs recherches nucléaires en échange d’aide économique. Mais, une fois de plus, c’est un accord précaire qui ne tient plus dès que les principaux intéressés ne rompent les termes de l’accord. Entre 1998 et 2008, la Corée du Sud tente d’apaiser les tensions et met en place la Sunshine Policy. L’idée est de mettre en place une cohabitation pacifique par l’échange, la réconciliation et la coopération sur les bases d’un désir de sécurité nationale. Face à l’inaction des nord-coréens qui Nord n’abandonnent pas leur programme nucléaire, le nouveau Président coréen élu en 2008 met fin à la Sunshine Policy. Aujourd’hui encore, l’inquiétude d’une altercation à la frontière pèse, cette année peut être même davantage comme l’indique l’augmentation des effectifs américains en Corée du Sud.

La montée à la guerre des deux Etats

Corée du Nord et Corée du Sud, de chaque côté de la frontière, préparent leurs troupes à un éventuel conflit. D’après l’Institut International d’Etudes Stratégiques (IISS), 80% de la puissance de feu et 65% des unités militaires nord-coréennes sont regroupés à cent kilomètres maximum de la zone démilitarisée. En Corée du Nord, où le service militaire est possible dès seize ans et obligatoire dès dix-huit ans, l’armée recense un million de soldats, le double de la Corée du Sud qui peut compter sur 522 000 soldats d’après les chiffres de l’IISS en 2015 (voir graphique). Elle se voit cependant épaulée de 28 500 soldats américains en 2015. Combinées, les troupes américaines et sud-coréennes forment un groupe armé de quasiment 600 000 hommes qui pourrait obtenir l’appui de millions de réservistes en cas de guerre. Les Etats-Unis en Corée du Nord s’illustrent à nouveau comme les « gendarmes du monde », prêts à défendre le pays en cas d’agression nordique et travaillant aux côtés de l’armée coréenne en permanence afin de la préparer à répondre à toute forme d’attaque, soit-elle maritime, terrestre ou aérienne. Telle qu’est la situation actuelle, les troupes doivent être prêtes à entrer en action à tout moment. Les habitants du pays entendent donc souvent les sirènes retentir et voient les avions militaires survoler les villes comme si la guerre était déclarée lors des nombreuses « fausses alertes » organisées par l’armée. En 2013, le budget de défense sud-coréen était parmi les quinze plus élevés au monde. Le pays vit en permanence entre la guerre et la paix, les habitants eux-mêmes n’étant jamais très sûrs de l’évolution de la situation militaire.

Malgré sa supériorité numérique, la Corée du Nord n’a qu’un équipement militaire obsolète car non modernisé qui ne lui permettrait pas une victoire face aux forces sud-coréennes et américaines en cas de guerre. Et face à des troupes du Sud avec meilleures conditions de vie et mieux nourries, ils ne feront pas le poids. Deux options pour remporter une guerre se présentent à la République populaire : bombarder les villes et les populations du sud avec des missiles ou bien utiliser l’arme nucléaire. Et c’est en effet une course à l’arme nucléaire à laquelle se livre la Corée du Nord depuis plus de dix ans, allant même jusqu’à déclarer que si les Etats-Unis continuaient à mener une politique hostile envers eux et à chercher la faute ils seraient prêts à s’opposer à eux avec des armes nucléaires.

A quatre reprises déjà, les nord-coréens ont effectué ce qui semble être des tests nucléaires. Le 9 octobre 2006 est mené le premier test, à Punggye-ri, permettant aux dirigeants du pays d’affirmer qu’ils ont rejoint le « club » des détenteurs de l’arme nucléaire et que celle-ci leur permettra d’apaiser la péninsule. Le 25 mai 2009 ils récidivent, ainsi que le 12 février 2013, test qui semble avoir été fait avec de l’uranium et qui fait l’objet de sanctions des Nations Unies. Suite à cela, le réacteur de Yongbyon semble cependant avoir été remis en route par les nord-coréens, réponse provocante, peut-être, aux sanctions. En 2012, de plus, ils avaient lancé un satellite dans l’espace semblant alors capables de lancer des missiles longues distance. Enfin, le 6 janvier 2016, l’annonce d’un séisme de magnitude 5, apparaît comme le résultat d’un test de bombe H, bombe hydrogène, issue de la fusion d’atomes. Les bombes H sont, de loin, plus destructrices et qui sait quelles seraient les conséquences d’une attaque à la bombe H… Si les données enregistrées ne semblent pas concorder avec la puissance de la Bombe H, on ne peut être certains de ce qui a réellement eu lieu. Ajoutant à la menace, la Corée du Nord surenchérit et annoncé être capable de miniaturiser l’arme atomique dans une tête de missile, la propulsant, si c’est véridique, devant tous les détenteurs de l’arme atomique. Loin de s’arrêter en si bonne voie, un nouveau test est annoncé en septembre. Jusqu’où cela ira-t-il ? Une chose est sure : les Etats-Unis sont à leur portée bien qu’on ne soit pas certains qu’ils soient déjà capables de guider leurs missiles jusqu’à une telle cible a affirmé l’IISS.

Dans cette situation de préparation à la guerre pour chacun des Etats, la tension semble être montée d’un cran suite aux récents essais nucléaires nord-coréens et à la hausse des effectifs américains sur le sol sud-coréen. Aucun incident notable entre les deux pays n’a cependant eu lieu au cours des dernières années. Témoins de la montée à la guerre mais également victimes des altercations entre les deux pays, les populations vivent dans un contexte de guerre imminente des deux côtés du 38e parallèle. Leur ressenti face à cette situation est de fait un élément central et qui doit être questionné. Des milliers de nord-coréens risquent chaque année l’arrestation et la déportation pour tenter de s’enfuir en Chine. Comme on l’a écrit plus tôt, les, Et puis, n’a-t-on pas vu, il y a peu à Rio une athlète sud-coréenne et une athlète nord-coréenne prendre un selfie toutes les deux ?

Bibliographie:

  • « South Korea vs North Korea », <http://www.indexmundi.com/factbook/compare/south-korea.north-korea>
  • “North Korea v. South Korea: how the countries armed forces compare”, Blair, 15 septembre 2015, The Telegraph
  • Site des : United States Forces Korea, <usfk.mil>
  • “How potent are North Korea’s threats”, 15 septembre 2015, BBC News
  • “North Korea nuclear tests: what did they achieve?”, 22 avril 2016, BBC News
  • “North Korea nuclear programme: how advanced is it?”, 10 février 2016, BBC News
  • “South Korea publicly blames the North for ship’s sinking”, Choe Sang Hun, 19 mai 2016, The New York Times
  • “North Korea country profile”, 24 août 2016, BBC News
  • “South Korea country profile”, 8 septembre 2015, BBC News
  • Site de : International Institute of Strategic Studies, <https://www.iiss.org/>
  • “Chronologie des relations entre la Corée du Nord et la Corée du Sud », C. Gouës, M. Simon, 27 mars 2012, L’Express
  • « Corée du Nord, l’équilibre de la terreur », Kim Chang-su, 8 avril 2013, Courrier International
  • Le Monde dans tous ses états : une approche géographique, Lasserre, J-L. Klein, 2006, p. 380-381.
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