Le siège de Jadotville : l’échec de la première grande mission de maintien de la paix de l’ONU

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La Force de maintien de la paix de l’Organisation des Nations unies est une force militaire ayant pour rôle le « maintien ou le rétablissement de la paix et de la sécurité internationale », sur ordre de son Conseil de sécurité. Depuis 1945, elle a été envoyée dans plusieurs zones de conflits pour protéger la population civile ou encore servir de force d’interposition.

Après sa création en 1945, l’ONU envoie en 1960 l’armée irlandaise pour effectuer sa deuxième mission de maintien de la paix[1], l’O.N.U.C. Le 13 septembre 1961 est déclenchée l’opération Morthor[2] pour mettre fin à la sécession de l’Etat du Katanga (province du Congo) par la force. A leur création, les Forces de maintien de la paix ne devaient utiliser la force que dans des cas de légitime défense et non pour imposer la paix. La mission au Katanga est la seule exception notable d’usage effective de la force par les casques bleus. Par la suite, cette limitation de la force a été revue, pour donner plus de marge de manœuvre aux Casques bleus, notamment suite aux crises du Rwanda ou de Yougoslavie.

Le contexte de cette mission de maintien de la paix

La province du Katanga déclare unilatéralement son indépendance de la République démocratique du Congo le 11 juillet 1960, moins de deux semaines après l’indépendance du Congo-Kinshasa par rapport à sa métropole belge. Moïse Tshombe proclame l’indépendance du Katanga avec l’appui de l’Union minière du Haut Katanga et demande l’aide militaire et logistique belge. Mais l’État du Katanga ne sera jamais reconnu par l’ONU, notamment du fait du refus net du bloc de l’Est de reconnaitre cette indépendance. Le Conseil de sécurité des Nations unies répond d’ailleurs à l’appel du premier ministre congolais de demander le retrait des Belges.

Sans l’aide des Belges, le Katanga doit donc faire appel à des mercenaires (les Affreux) pour créer une Gendarmerie katangaise. Ce sont ces mercenaires qui s’opposent aux casques bleus de l’ONU. En effet, la compagnie de l’armée irlandaise est assiégée par l’armée katangaise à Jadotville[3] du 14 septembre au 18 septembre 1961.

Le siège de Jadotville

Depuis le 4 septembre 1961 était basée à Jadotville la compagnie A du 35th Infantry Battalion irlandais, sous les ordres du commandant Quinlan. 155 Irlandais occupaient quelques maisons de la route Jadotville – Élisabethville. Dès le 14 septembre, la compagnie doit essuyer plusieurs assauts par les mercenaires katangais. Quinlan finit par se rendre et est enfermé avec tous ses soldats dans les prisons katangaises. Le siège aura duré 5 jours. Finalement, le 25 octobre, les militaires onusiens sont libérés à Elisabethville en échange de militaires katangais prisonniers de l’ONU. La mission est condamnée unanimement dans la presse comme un honteux échec. Ce n’est qu’après des décennies de silence, en 2005, que le gouvernement irlandais récompense la compagnie d’une Presidential Unit Citation, la première de l’histoire de l’État irlandais.

Parallèlement, l’armée gouvernementale congolaise et les troupes de l’ONU au Congo (20 000 hommes)[4] lancent une attaque militaire contre les forces katangaises. Alors qu’il négocie un cessez-le-feu entre les troupes de l’ONU et les forces katangaises, le secrétaire général de l’ONU, Dag Hammarskjöld, est tué dans un accident d’avion. En décembre 1962, les forces de l’ONU prennent le contrôle d’Élisabethville et Moïse Tshombe est obligé de prendre la fuite. Le 15 janvier 1963, il finit par se rendre et obtient l’amnistie. Ironiquement, en janvier 1964, Tshombe deviendra premier ministre du Congo unifié.

Les conséquences de l’échec de la mission onusienne

Dans l’ensemble, la Mission de maintien de la paix au Congo n’a pas été un échec total[5] : quand les soldats de l’O.N.U.C. quittent le Congo en 1964, celui-ci est effectivement réunifié avec un gouvernement central en mesure d’exercer son autorité. Mais l’échec retentissant de la mission de Jadotville a mené la communauté internationale à condamner les Nations Unies pour sa mauvaise gestion de la crise congolaise. On a notamment pu critiquer le secrétaire général des Nations Unies, Dag Hammarskjöld, d’une trop stricte lecture de la Charte et des décisions prises à l’Assemblée générale. Il n’aurait pas su adapter la mission à la situation critique sur le terrain. C’est surtout le cas pour le principe de non-intervention dans les affaires intérieures d’un Etat : au nom de ce principe, l’O.N.U.C. s’est longtemps gardée de prendre parti et de fournir au Congo les moyens de rétablir son autorité. Pourtant, c’est bien à la demande du gouvernement congolais que l’ONU est intervenue dans la province du Katanga…

Ecrit par Aliénor Chéreau

Si vous êtes intéressés par les Casques bleus, n’hésitez pas à consulter l’article de @marenenfrance.

[1] Après une mission d’urgence durant la Crise de Suez en 1956 (FUNU I) et une mission d’observation au Liban en 1958)

[2] http://www.un.org/fr/peacekeeping/missions/past/onuc/

[3] Vous pouvez voir sur ce sujet le film de 2016 Jadotville sur Netflix.

[4] http://www.un.org/fr/peacekeeping/operations/early.shtml

[5] https://www.monde-diplomatique.fr/1967/10/PAUNET/28049

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