La montée des tensions entre la puissance nord-américaine et l’Iran ne date pas d’hier, ce conflit d’intérêts concerne différents sujets, sur fond de contrôle, de stratégie et de défiance, une chose est sure, les relations entre les deux pays sont tout sauf saines.
Cela fera bientôt dix jours que le Major-général iranien Qassem Soleimani a été assassiné par une frappe décidée par Trump et son administration depuis le bureau ovale. Cet acte n’est évidemment pas anodin et fait couler beaucoup d’encre ; que ce soit dans le New York Times ou dans la presse française, ce début d’épopée militaire aux retombées géopolitiques considérables n’a pas finit de surprendre et d’inquiéter.
Mais que faut-il réellement retenir de cette ultime provocation américaine, est-elle fondée ?
Présage-t-elle un conflit à échelle mondiale comme certains l’ont imaginé, ou permettrait-elle d’assouvir les ambitions politiques de Trump, tiraillé entre période de campagne électorale et procédure judiciaire ?
Retracer l’historique de l’escalade stratégique entre l’Iran et les Etats-Unis m’a paru essentiel dans cet article, pour saisir un peu mieux la nature de l’animosité régnant entre les deux pays, le développement se fera ensuite autour de l’assassinat de Soleimani et de ses conséquences entremêlées au contexte social chaotique qui pèse en Iran.
Premières heures de coopération irano-américaine, chemin tracé vers la révolution iranienne
Les animosités exacerbées entre les Etats-Unis et l’Iran prennent véritablement forme à la suite de la révolution iranienne qui bouleversa le pays et ses institutions toutes entières, en 1979. Les relations avec les américains ne survivront pas à cette révolte sociale, et le tissu des relations étrangères iranien s’en trouvera à jamais bouleversé.
Bien avant cette révolution, les relations entre Etats-Unis et Iran ne sont pas si mauvaises, souvent établies d’un commun accord, elles ne présagent en rien les tensions actuelles.
Avant la révolution donc, une dynastie règne en maître sur l’Iran, dernière monarchie constitutionnelle en place avant la République Islamique d’Iran, cette monarchie sera plus communément appelée « Etat impérial d’Iran », parvenant à s’approprier le pouvoir par un coup d’état perpétré en 1921 ; cout d’état visant à remplacer la dynastie Kadjar, surpuissante avant de se retrouver considérablement affaiblie par la présence britannique et soviétique dans le pays.
La division régnait sous l’occupation occidentale, les iraniens se sentaient humiliés par la présence étrangère, soucieux de reconquête d’identité et de souveraineté, il était temps pour eux de voir une nouvelle dynastie arriver, et ce sera celle des Pahlavi.
Reza Chah devient dès lors nouveau Chah d’Iran, il sera l’avant-dernier avant la révolution. Jeune militaire ambitieux, il souhaite moderniser l’Iran en suivant le modèle de la Turquie et de sa nouvelle République, mais les élites musulmanes iraniennes puissantes, empêchent le passage de la monarchie iranienne à toute forme de République dans les années 1920.
C’est donc cette monarchie, prenant le titre non plus d’Empire « Perse » mais « Iranien » à partir de 1935, qui parviendra malgré les pressions religieuses du clergé, à assouvir certains projets libéraux comme le développement des industries indépendamment de la Russie soviétique et de l’Angleterre ; c’est aussi à ce moment là que le port du voile est interdit pour les femmes, et que le costume occidental devient obligatoire pour les hommes.
Le régime est certes autoritaire et conservateur, mis constamment sous pression islamique, il n’en reste pas moins habité par ce vent occidental, mélange de l’influence impérialiste et de l’envie de modernisation profonde du pays.
Il faut bien comprendre que l’Iran a depuis toujours été aux prises avec les occidentaux, même quand sa volonté était celle d’une modernisation, les premières complications avec les pays du Nord arrivèrent durant la Seconde guerre mondiale.
L’Iran, dans son soucis d’expansion, ne souhaitait pas entraver ni rompre ses relations avec l’Allemagne, même devenue ennemie, et souhaita rester neutre dans le conflit ; Reza Chah continua donc de collaborer économiquement avec l’Allemagne nazie, s’attirant ainsi les foudres de l’Angleterre, qui alliée à l’URSS sur la période, firent toutes deux emprisonner Reza Chah, et perquisitionnèrent l’ensemble des infrastructures ferroviaires qu’il faisait construire sur le territoire.
Cette prise en otage des infrastructures iraniennes par les russes et britanniques laissera des trace politiques en Iran ; comme on l’imagine aisément, la présence russe à l’époque soviétique, engendrera la naissance de groupes communistes qui se forment et s’enracinent ainsi dans le pays, en particulier dans la région du Kurdistan iranien.
Des tentatives de gouvernements autonomes naissent en Iran, soutenues à chaque fois par l’URSS, feront échouer les toutes premières tentatives de négociations américaines sur la question du pétrole.
L’influence communiste n’est cependant pas éternelle, et ne mettra pas longtemps à décliner dans ses grandes lignes à partir des années 1950 aux premières heures de la Guerre froide, alors que le fils de Reza Chah lui a succédé sur le trône, Mohammad Reza Chah.
Un nouveau gouvernement, avec de nouvelles figures politiques, est mis en place et rejette l’URSS, étant en cela soutenu par les américains.
Débute alors une ère de coopération irano-américaine.
Influencé comme son père par l’idée d’une évolution calquée sur le modèle occidental, Mohammad place une partie de sa confiance politique dans ses relations avec les Etats-Unis, en étant sûr qu’elles seront fructueuses, il n’hésite pas en cela à signer un premier accord entre son pays et les Etats-Unis, concernant l’aide et le conseil militaire américain, servant à entraîner les troupes iraniennes au combat et à la stratégie de guerre.
Une alliance d’un genre nouveau apparait désormais en Iran, qui ne fait certainement pas l’unanimité, dans un pays soumis aux pressions musulmanes très fortes d’un côté, et aux relents autonomistes de l’autre, alimentés par la volonté de certains iraniens nationalistes d’être les seuls maîtres de leur pétrole par exemple, alors que la possibilité d’établir des contrats avec les américains voit le jour.
Le pays connait une croissance lente puis importante à partir des années 60, avec un renforcement militaire dans la région du Golfe persique, et de nouveaux projets économiques qui permettent l’émergence d’une classe moyenne, mais qui vont surtout en réalité, creuser les écarts entre le haut et le bas de la structure sociale iranienne.
Le gouvernement de Mohammad continue l’expansionnisme économique, la lutte contre l’analphabétisme et il accorde aux femmes le droit de vote. Mais certaines de ses mesures, comme le remplacement du calendrier solaire islamique par un calendrier impérial, suscitent de vives colères religieuses, mesures jugées anti-islamiques, elles nourrissent la crainte des élites du clergé et des intellectuels islamiques de perdre leur statut et leur puissance au sein du pays.
Les rapports avec les occidentaux continuent d’aller bon-train en Iran, les relations sont arrangeantes sous Nixon, républicain qui à la présidence des Etats-Unis en 1972 autorise les iraniens à se fournir en armes américaines ; en échange, les iraniens acceptent de prêter des morceaux de territoires dédiés à la surveillance des activités soviétiques.
Mais la communication du régime Mohammad Reza Chah est mauvaise, les bouleversements économiques ne ruissellent pas et ne font pas profiter l’ensemble de la population, ce sont principalement les élites royalistes et partisanes des partenariats avec les occidentaux qui évoluent grâce à la croissance, et non le reste de la population ; de plus, la culture iranienne islamique a du mal à trouver sa place dans ce nouvel environnement, où le régime occidentalisé et autocratique ne laisse aucune place à l’expression populaire, religieuse ou de gauche.
Révolution iranienne, fin d’un partenariat
Mais quelles sont donc les composantes de la révolution iranienne de 1979 ?
Globalement, la révolution intervient dans un contexte de creusement des inégalités, phénomène apparaissant toujours dans les sociétés peu développées en forte croissance brusque, ainsi qu’un repli identitaire nourrit par l’absence de toute expression populaire libre et démocratique.
Le compromis serait-il alors une République pour le peuple iranien ? Oui, mais pas n’importe laquelle, une République islamique.
Les autonomistes et les communistes continuent d’avoir de l’influence, mais une autre partie de la population est laïque et a des ambitions démocratiques, ce qui est toujours le cas aujourd’hui, comme nous le verrons dans l’étude de la crise actuelle ci-après, une part de la population désapprouve toujours l’islamisation du régime ; s’expriment aussi lors de la révolution des intellectuels de gauche, mais c’est surtout une importante communauté chiite qui façonnera la révolution, promettant le retour à des valeurs simples et historiques, le retour d’une identité, d’un sens, d’une évolution spirituelle plutôt qu’économique.
Le Président Jimmy Carter, à la tête des Etats-Unis sur la période, démocrate, va donner l’impression de soutenir indirectement la révolution qui se joue, en condamnant la monarchie et ses agissements qui selon lui serait trop autoritaire, violente, disposant d’une milice royale armée et organisée, Mohammad enfermerait des contestataires et supprimerait des libertés fondamentales comme le droit d’association ou la liberté d’expression dans le pays.
Jimmy Carter prétend prendre position en vertu de la défense des intellectuels du pays et de la préservation des droits de l’Homme à l’international, sans avoir véritablement conscience de l’horizon inquiétant vers lequel la révolution est en train de mener l’Iran.
Certains républicains aujourd’hui, remontent à ces premières considérations démocrates sur la question de la politique étrangère iranienne à mener, dénonçant un laxisme des démocrates depuis toujours, et une incohérence entre altruisme mal placé et dangerosité dans les décisions prises.
Ainsi, les « bonnes relations » de profit mutuel irano-américaines prennent clairement fin sous Carter ; il reviendra cependant sur certains propos critiques pris à l’encontre du régime du dernier monarque Shah, compte tenu de la menace que constitue un futur régime islamique qui s’instaurerait en remplacement. Il défendra ainsi Mohammad Reza Shah publiquement, mais n’organisera aucune opération militaire de soutien et de défense au régime lors de la révolution iranienne ; cette révolution ne rencontrera aucun freins de la part de l’international, la dynastie est bel est bien renversée, et le Shah se retrouve contraint de s’exiler aux Etats-Unis ou il n’est clairement pas reçu les bras ouverts.
Le déclin du soutien américain et le déclin de la dynastie se confondent alors, la position des Etats-Unis sur la question iranienne devient de plus en plus floue, nourrissant les plus grandes théories de défiance vis-à-vis de Carter.
Carter ne souhaitera pas reconnaitre officiellement le gouvernement révolutionnaire ainsi installé en Iran, de par le caractère islamique et autoritaire du nouveau régime, ainsi que de l’importance grandissante de la figure de l’ayatollah Khomeini durant la révolution.
La politique de l’Ayatollah Khomeini est dirigée contre la superpuissance américaine, contre toute idée de partenariats et de dépendance économique ; les relations avec les Etats-Unis ne doivent plus perdurer, dénoncées par le nouveau régime islamique, qui appelle régulièrement à manifester contre les Etats-Unis et Israël considérés comme des ennemis du pays.
Une période de grandes tensions diplomatiques s’ouvre alors entre l’Iran et les Etats-Unis, avec un gouvernement démocrate de plus en plus amer, se retrouvant confronté pleinement à une politique de provocation, que Carter n’avait pas soupçonné avant la révolution ; la crise sera notamment alimentée par l’épisode des 444 jours, durée de la prise d’otages américains réalisée par des révolutionnaires iraniens à l’Ambassade américaine de Téhéran.
Cette toute première « grosse crise » entre les deux pays, laissera des traces indélébiles dans l’histoire des relations nouvelles entre la République islamique d’Iran et les Etats-Unis, qui s’apprêtent à voter en masse Reagan, devenu un Républicain endurci, aux élections de 1980.
Nouvelle ère Reagan, ou comment la présence américaine dans le Golfe persique doit chercher à préserver l’hégémonie sunnite de la percée chiite iranienne
Un des nombreux vecteurs de tensions entre l’Iran et les Etats-Unis aujourd’hui c’est la différence entre le chiisme d’Iran et le sunnisme, courant représenté par 90% des musulmans, majoritaire en Arabie Saoudite, au Koweït, et officiellement voulu en Irak, formant ainsi une « hégémonie sunnite » qui aspire à devenir la seule dominante dans le Golfe persique.
C’est donc ses puissants voisins que l’Iran menace avec sa révolution mal tombée pour le reste du Golfe. La peur d’une guerre interconfessionnelle apparait alors, entremêlée avec les craintes personnelles de Saddam Hussein, alors président de la République irakienne ; Irak, terre officiellement sunnite mais qui en réalité est habitée par une forte majorité chiite, majorité durement opprimée depuis de longues années.
La révolution iranienne menace donc le projet d’Hussein et plus globalement, le projet sunnite de domination du Golfe persique.
Tensions confessionnelles, mélangées aux volontés de puissance, de dominations territoriale ou pétrolière, appliquées au terreau de misère et de grande précarité sociale et économique des pays du Golfe, déclenchent une guerre qui durera 8 ans, la guerre Iran-Irak, qui fragilisera sur la longue durée le territoire iranien.
Cette guerre, l’une des plus importantes connues par l’Iran, engendrera un bilan humain d’environ la moitié d’un million de mort, avec des techniques de guerres rappelant les celles utilisées pendant la Première guerre mondiale, comme la stratégie des combats de tranchées et l’utilisation d’armes chimiques ; c’est d’ailleurs le Major-général Qassem Soleimani qui sera révélé militairement durant cette guerre de tranchées.
La plupart des pays vendront des armes à l’Irak, c’est le cas de l’URSS et de la France, pendant que plusieurs pressions américaines sont exercées principalement sur la flotte iranienne pour la déstabiliser. Des batailles entre les pétroliers américains et iraniens étaient monnaie courante, ce qui rappelle l’épisode récent de l’attaque de pétroliers dans le Golfe persique par l’Iran. L’acharnement américain déstabilisera l’Iran, considéré dès lors par Reagan comme un pays ennemi chiite, menaçant les intérêts souverainistes américains dans le Golfe.
Mais Reagan n’est pas tout puissant dans le conflit, il doit justifier les attaques américaines, qui seront d’ailleurs condamnées à la fin de la guerre au même titre que les attaques iraniennes ; et pour cela, le gouvernement Reagan accuse les iraniens de poser des mines sur certaines frégates US.
Mais l’ultime provocation, la plus marquante entre les Etats-Unis et l’Iran durant le conflit et peut-être même, la plus marquante de tout le 20ème siècle pour l’Iran, restera la destruction d’un airbus A300 en 1988 par un croiseur américain, tuant 290 civils qui se sont révélés être des pèlerins se dirigeant vers la Mecque, à l’Ouest de l’Arabie Saoudite.
Les Etats-Unis ont été plus que contradictoires sur la justification de cette attaque, mettant cela sur le dos d’une erreur d’identification de l’Airbus, et nous avons comme une impression de déjà-vu, nous rappelant l’évènement récent du Boeing ukrainien abattu « par erreur » en Iran, il y a deux jours.
Début d’une guerre économique, la grande politique américaine de sanctions incarnée par les Républicains
La suite du conflit se fera principalement de manière économique, la révolution de 1979 ayant provoqué le gel de millions d’avoirs iraniens, et Reagan soumettra à un très difficile embargo les différents échanges commerciaux iraniens à partir de 1988.
Durant la guerre, de nombreuses sanctions avaient déjà été mises en place, mais la plus lourde sera celle de 1995 qui fera plonger l’économie iranienne sans espoir de se relever de sa chute.
Ce nouvel embargo d’une ampleur sans précédent, interdit littéralement tout commerce avec l’Iran, et impose des sanctions sur le pétrole iranien ; ces mesures donnent l’impulsion au vote par le Congrès l’année suivante d’une nouvelle loi, la « Loi Amato-Kennedy », qui prétendra sanctionner les « états voyous » accusés de soutenir le terrorisme international et de menacer l’équilibre géopolitique mondial ; autrement dit, les pays menaçant les grands partenariats souverainistes américains dans la région, via Israël et l’Arabie Saoudite. l’Iran est évidemment considéré comme étant en début de rangée parmi ces états voyous, états ainsi désignés par les Etats-Unis, qui seront aussi sanctionnés à cause de leur volonté supposée de se procurer à grande échelle des armes de destruction massive.
A partir des années 2000, la guerre économique menée par les américains ne concerne plus uniquement le domaine pétrolier mais concerne toute l’étendue du domaine scientifique iranien, avec de nouvelles théories concernant le nucléaire iranien.
Georges W. Bush, autre républicain qui succède à Reagan en 2001, soutiendra cette politique de défiance vis-à-vis de l’Iran et de sa recherche ; des scientifiques sont ainsi sanctionnés, tout comme l’université de Floride à laquelle on interdit d’avoir des échanges avec certains étudiants ou scientifiques iraniens dès 2006.
La grande crise du nucléaire éclatera en 2003, entre l’Iran et le reste du monde, concernant à la fois la menace militaire que peut représenter un état islamique comme l’Iran, ayant de puissants liens avec des organismes subversifs tel que le Hezbollah, menace militaire qui s’ajoute au contexte de tensions de plus en plus fortes avec Israël, qui ne font qu’aggraver la défiance et la crise, l’une alimentant l’autre.
L’apaisement mettra douze ans à voir le jour, en 2015 à la suite d’un accord enfin trouvé, traitant la question de l’encadrement du nucléaire iranien, accord de long terme conclu entre l’Iran et les pays « P5+1 » dont font partie les Etats-Unis.
L’accord sur le nucléaire iranien de 2015 a été salué par l’ONU, et plus généralement par la communauté internationale, espérant un retour relatif de la paix dans le Golfe persique, ainsi qu’une désescalade avec Israël. Un rapport publié par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en 2016, précise que l’Iran a formellement respecté les contraintes qui pesaient sur lui, qu’il a en effet cesser de faire enrichir son uranium, et que les contrôles s’étaient bien passés.
En échange du respect de cet accord, les Etats-Unis de Barack Obama et l’Europe, s’engagent à lever les principales sanctions qui frappaient l’Iran, même si les secteurs de l’énergie ou de la finance restent très étroitement contrôlés.
Un réchauffement des relations a donc eu lieu sous la présidence du démocrate Barack Obama à partir de 2009 aux Etats-Unis, qui décide notamment sous sa présidence d’alléger la présence militaire américaine au Moyen-Orient. Cette volonté nous rappelle vaguement celle de Carter dans les années 70, qui consiste à vouloir alléger les pressions américaines exercées sur des pays entravés par le poids des sanctions et du contrôle total.
Barack Obama est tout comme sa secrétaire d’état, Hillary Clinton, adepte du multilatéralisme, il exigera un retrait en 16 mois des troupes américaines combattantes en Irak, le but étant encore une fois d’alléger du poids américain la région, et d’apaiser les tensions. C’est en cela qu’il accepte de prendre part à l’accord de Vienne, ce qui ne l’empêche pas de conserver une certaine méfiance vis-à-vis d’un programme nucléaire iranien qui reste potentiellement dangereux selon lui .
Le contrôle se réduit mais ne s’arrête pas.
Présidence de Trump et déterrage de la hache de guerre
L’élection du président républicain Donald Trump à la présidence des Etats-Unis le 20 janvier 2017, marquera un tournant majeur dans l’histoire des relations diplomatiques entre l’Iran et les Etats-Unis, nous ramenant à une espèce d’ère Reagan, faite de sanctions outrancières et de défiance politique extrême.
Après les conclusions assez fructueuses de l’accord sur le nucléaire et du respect net de celui-ci par l’Iran, Donald Trump décide de retirer les Etats-Unis de l’accord, quittant donc la configuration du P5+1, avec des réactions contrastantes face à cette décision ; pour les pays signataires, ce retrait est regrettable, comme pour la France, l’Allemagne ou la Russie, mais pour les pays alliés au Moyen-Orient comme Israël ou l’Arabie Saoudite, ce retrait est une décision honorable.
Mais quelles sont donc les conséquences de ce retrait historique ?
Il faut d’abord savoir que ce retrait faisait partie intégrante du programme de Donald Trump de 2016, il a donc respecté un de ces engagements électoraux en effectuant ce retrait. Très critique vis-à-vis de la politique d’apaisement et de désescalade militaire menée par Obama durant ses deux derniers mandats consécutifs, Trump souhaite déchirer l’accord, comme pour dire qu’il n’aurait jamais existé ; il compare le projet porté dans cet accord à la « menace d’un holocauste nucléaire ».
D’ailleurs les iraniens, et plus précisément certains économistes iraniens comme Amir Jafarzadeh, avait appelé à la méfiance de l’Iran vis-à-vis de la politique de Trump qui serait susceptible d’anéantir les ambitions d’expansion ou d’évolution de l’économie iranienne. L’économiste dépeint une triste situation économique en Iran ; je cite « l’économie iranienne, dans l’état actuel, a besoin des investissements étrangers, dans les domaines du pétrole, du gaz et dans le développement de ses infrastructures”. On imagine bien que la menace Trump, aussi bien exercée par sa volonté de retrait, que par l’octroie de sanctions âpres pesant sur l’économie iranienne, inquiète et pousse les dirigeants iraniens à adopter des postures anti-américaines, tout en renforçant leur positionnement conflictuel vis-à-vis d’Israël ou de l’Arabie Saoudite à partir de l’élection de 2017.
Contre toute attente, Trump nuancera son propos tenu durant les présidentielles, en refusant dans un premier temps de quitter l’accord, mais cela ne l’empêche pas de refuser aussi de le certifier, et exige que de nouvelles mesures strictes soient prises pour étendre toujours plus le contrôle, et exercer de nouvelles pressions, sinon il partirait ; de nombreux chefs d’état se mettent alors à convaincre Trump de rester, comme Emmanuel Macron, mais il décidera finalement de sortir, faute de nouvelles mesures prises par les états signataires.
Trump ne se contentera pas de simplement sortir de l’accord le 8 mais 2018, mais il rétablira aussitôt des sanctions envers l’Iran « du plus haut niveau », ce qui présage de nouvelles tensions très fortes entre les deux pays. Il n’hésitera pas non plus à menacer l’Iran de ne pas tenter de reprendre son programme nucléaire initial pour répondre par la provocation à cette sortie.
Que reprochent réellement Trump et son administration à l’Iran ?
Les reproches dépassent de loin le cadre purement nucléaire de la discorde, ils concernent la stratégie pleine et entière de l’Iran au Moyen-Orient, stratégie jugée déstabilisatrice du bon équilibre jusque-là trouvé dans la région. Les Etats-Unis de Trump sont fortement alliés avec l’Arabie Saoudite menée d’une main de fer par le nouveau prince surpuissant Mohammed ben Salmane (MBS), incarnant une royauté sunnite qui ne tolérerait aucunement qu’une majorité chiite prenne trop d’importance politique dans la région du Golfe.
De plus, l’Iran ne souhaite pas reconnaitre l’état d’Israël, reconnaissant uniquement l’existence historique de la Palestine, et joue parfois de cette tension pour agacer l’Amérique ou tenter d’intimider Tel Aviv militairement et moralement.
Or les deux puissances, saoudienne et israélienne, représentent les deux plus gros soutiens des Etats-Unis au Moyen-Orient, et constituent aussi les partenariats les plus fructueux avec la Maison Blanche. L’Iran est donc naturellement désigné comme l’ennemi menaçant par excellence les intérêts américains au Moyen-Orient, et pose ainsi problème à Trump et son administration conservatrice.
Mike Pompeo, solide bras droit de Trump, met en cause « le comportement néfaste » de l’Iran qui justifierait selon lui, les sanctions accordées. On peut s’imaginer que le secrétaire d’Etat range derrière ce qualificatif fort de « néfaste », la menace iranienne pesant sur les intérêts américains dans la région, ainsi que la provocation constante du régime jugée anti-américaine, renforcée par la condamnation américaine des partenariats qu’entretiendrait l’Iran avec le Hezbollah que nous avons mentionné tout à l’heure ; le Hezbollah étant un groupe paramilitaire islamiste chiite basé au Liban, traduit « Parti de Dieu » , et souvent qualifié de djihadisme chiite, décrit comme reposant sur un financement iranien.
Ces différentes raisons poussent Trump à vouloir entamer une guerre économique contre l’Iran, encore plus forte et marquante que sous Reagan, et cela pour à la fois assurer sa souveraineté au Moyen-Orient, mais aussi pour donner l’impression au peuple américain qu’une lutte américaine active est menée contre le terrorisme islamique, devenu un des arguments politiques majeurs dans les campagnes politiques américaines, surtout depuis le drame du 11 septembre.
Depuis, les Républicains n’ont cessé de prétendre défendre les intérêts américains dans cette lutte, et se sont érigés en seuls réels défenseurs de la démocratie, en seuls protecteurs de la puissance américaine, assurant ainsi la sécurité du peuple des Etats-Unis.
Un des éléments constitutif majeur du clivage politique entre les Démocrates et les Républicains repose justement sur cette question de défense nationale et de lutte antiterroriste ; les politiques étrangères des démocrates sont souvent qualifiées de laxistes, voire de complaisantes par les conservateurs.
Son électorat conservateur l’attend donc très clairement sur ses questions, et n’hésitera pas à décrédibiliser les démocrates sur le sujet.
Course électorale de 2020 ou l’embrasement ultime
Dans la course furieuse à la présidentielle s’ouvrant le 3 novembre 2020, Trump met toutes les chances de son côté pour satisfaire son électorat, et rappeler à quel point il est le seul capable de préserver la démocratie américaine des conséquences de politiques multilatéralistes dangereuses, qui sont pour lui et les conservateurs, l’unique œuvre des démocrates.
Il ne compte pas réellement renouveler son programme, car il brigue un second mandat, il n’a donc pas de nouveaux arguments significatifs à mettre sur la table ; en réalité, sa stratégie n’est pas de prouver qui il est, et à quel point il peut se renouveler, mais plutôt de dire « ce mandat a plu à mon électorat, je vais continuer comme ça ».
Il se veut rassurant et ferme concernant des situations chaotiques, et potentiellement menaçantes dans le contexte d’une Amérique inquiète pour son identité et ses valeurs.
De grandes questions méritent d’être traitées aux Etats-Unis, comme celle des dépenses dans l’éducation, de l’égalité des chances, des dépenses de santé et de couverture sociale. Sur ces questions-là, les démocrates ont généralement la main, portant des idéaux d’équité et de progrès.
Trump lui, base plus la confiance américaine qui lui est confiée sur la défense des intérêts des « vrais américains », des traditions, des zones rurales qui se réindustrialisent, et sur la fameuse question de défense nationale, sujet clé en Amérique.
Trump réussit d’une manière indéniable sa percée politique, dans un contexte mondial plutôt populiste et souverainiste, il décide donc d’appuyer cette ligne pour 2020, pris dans les fils d’une procédure interminable d’Impeachment, et se voyant mettre des bâtons dans les roues par les Démocrates. Un sujet d’actualité lui échappe également, celui du climat, il souhaite donc balayer l’ensemble de ces sujets d’un revers de manche, et placer au centre de toutes les attentions celui de la menace terroriste, et de la préservation de la démocratie.
Ainsi arrive le jour du 3 janvier 2020, jour où il décide de commettre un raid par le biais de drones, tuant le Major-général Qasseim Soleimani.
Soleimani, ancien ouvrier depuis l’âge de 13 ans, fait ses preuves militairement durant la guerre Iran-Irak dont nous avons précédement parlé, pendant les années Reagan de 1980 ; il participera à la guerre des tranchées, et sera nommé lieutenant après avoir participé à la répression d’une importante révolte dans la région du Kurdistan iranien, au nord-ouest de l’Iran.
Il aura de grandes responsabilités militaires durant les guerres d’Afghanistan à partir de 2001 sous la présidence Bush, il envisagera même un partenariat militaire avec les américains, contre des renseignements fournis sur les talibans en Afghanistan ; mais Bush fera tomber le partenariat à l’eau dès 2002, en qualifiant l’Iran de pays appartenant à « l’Axe du mal » que combattent les américains.
A partir de ce moment, Soleimani entrainera et formera des troupes chiites pro-iraniennes contre les militaires américains et les bases américaines, en formant des milices calquées sur le modèle du Hezbollah libanais, qui est lui aussi militaire, pro-iranien et chiite.
Soleimani s’imposera d’ailleurs durant le conflit israélo-libanais en 2006, et durant la guerre civile syrienne, toujours en formant des milices chiites, pour étendre l’influence de l’Iran à l’ensemble du Moyen-Orient, et ainsi tenter de déstabiliser les puissances sunnites.
Il soutiendra les Houthis au Yémen, ce qui en fait donc un ennemi de Mohammed ben Salmane, il soutient aussi le Jihad islamique palestinien en Palestine, ce qui fait de lui un ennemi d’Israël.
Rien ne sert d’épiloguer donc, sur le caractère dérangeant qu’incarne le Major-général pour les puissances du Golfe, et donc plus ou moins directement gênant pour les américains.
La personnalité du Major suscite la controverse en Iran, certains l’ayant élevé au rang d’icône, et notamment la République islamique, avec une mise en avant de sa personne et de ses exploits militaires, vendant l’image d’un mort en « martyr », victime des désidératas américains.
Mais une autre partie de la population iranienne que nous ne pouvons pas ignorer, ne soutient pas l’idolâtrie mise en place autour de la personne de Soleimani, preuve en est dans les manifestations contre le régime autoritaire lors desquelles il est décrié, et plus récemment, lorsque des portraits de lui sont arrachés dans les rues, au lendemain de sa mort.
Soleimani est donc loin d’être mort « en martyr » comme certains se plairaient à l’imaginer, mais il est indéniable que son assassinat poursuit un but politique arrangeant pour l’hégémonie américaine dans la région.
Les liens étroits entre le Major-général et certaines milices, pouvant être qualifiées de terroristes, ainsi que la menace supposée qu’il faisait planer sur le peuple américain, ont participer à nourrir toute cette politique trumpiste de défiance vis-à-vis de la République iranienne; c’est ainsi que Soleimani est tué, son meurtre étant justifié par le fait qu’il serait à l’origine de l’attaque par roquettes sur la base K1 de Kirkouk, au nord de l’Irak, où étaient présents de nombreux militaires américains ; il est aussi accusé d’être le commanditaire de la « prise » de l’Ambassade américaine de Bagdad, au 1er janvier 2020.
De plus, Trump a justifié son acte en disant également que Soleimani faisait parti de ceux qui conspiraient ouvertement contre les Etats-Unis, et qu’ils n’étaient pas en sécurité totale avec ce genre d’individu puissant en Iran.
Après la mort de Soleimani, de nombreuses réactions eurent lieu, de désarrois pour les démocrates et de félicitations pour les républicains. Joe Biden par exemple, un des principaux rivaux démocrates de Trump, ancien vice-président sous Barack Obama, dénonce un « bâton de dynamite dans une poudrière », jugeant la politique de Trump provocante et aventureuse au sens négatif du terme.
Nancy Pelosi, autre personnalité phare de la famille des démocrates et de la procédure d’Impeachment, fustige le président et déclare que le «rôle des dirigeants est de protéger la vie de leurs citoyens et les intérêts de leur pays, et non de mettre en danger les militaires américains, les diplomates et autres ressortissants par des actions provocatrices et disproportionnées».
Concernant Nancy Pelosi, un hashtag populaire en tendance a été mis en place sur le réseau social Twitter, « #NancyPelosiFakeNews » pour dénoncer les paroles de la démocrate jugée trop déphasée et laxiste sur la question iranienne, avec plusieurs dizaines de comptes américains ou même iraniens, condamnant ses propos, en appuyant leurs dires avec des vidéos, montrant des contestataires anti-République islamique et anti-Soleimani, comme celles des décrochages de portraits, certains slogans anti-Soleimani scandés, ainsi qu’une vidéo devenant rapidement virale, qui montre une foule de manifestants ne souhaitant pas marcher sur un drapeau américain qui avait été dessiné au sol.
Ces actes contrastent avec les autres gestes forts de drapeaux américains brûlés le jour de l’enterrement de Soleimani, sous les cris et slogans oraux tel que « Mort à l’Amérique ! » appelant à la vengeance iranienne.
La conclusion que l’on peut tirer de ces contradictions, c’est qu’il faut bien arbitrer concernant le positionnement du peuple iranien sur la question de la mort de Soleimani ; comme l’a écrit le journaliste au Figaro Georges Malbrunot :
« En venant si nombreux (à l’enterrement de Soleimani), les Iraniens ont d’abord rendu hommage au chef militaire, qui réussit à sanctuariser leur pays face aux attaques des djihadistes de Daech, sunnites et agissant depuis l’Irak voisin. Ils lui savent gré également de ne pas avoir eu d’ambitions politiques ».
En effet, une des raisons de la grande popularité de Soleimani concernait le fait qu’il ne souhaitait pas s’impliquer dans la politique d’ordre intérieure, et ne cherchait pas à candidater pour briguer un quelconque mandat. Il était ainsi vu par une partie des iraniens comme le général qui luttait contre la corruption, contre le terrorisme de Daesh principalement basé en Irak, et comme un défenseur de la communauté chiite contre l’hégémonie sunnite au Moyen-Orient.
L’assassinat en lui-même peut donc être appréhendé comme la volonté du Président Trump de créer une situation chaotique et inquiétante, pour s’ériger une fois de plus en défenseur ultime de la démocratie et de la sécurité américaine, les américains montrant ensuite du doigt les démocrates comme des personnalités politiques participant à la victimisation de Soleimani, à travers la dénonciation qu’ils ont fait du raid.
Cette situation tendue remet clairement Trump au centre de la scène politique, aussi bien internationale qu’interne, rappelant qu’il domine au Moyen-Orient, défendant les intérêts et la sécurité de ses alliés sur place, et qu’il est prêt à tout pour « protéger l’Amérique ».
L’arbitrage concernant cette affaire se voudra donc neutre. Certes, le Major-général Soleimani avait des connivences directes avec des milices militaires islamistes, mais il était aussi très engagé dans le combat contre Daesh, contre le terrorisme sunnite.
Il faut aussi considérer que sa grande popularité ne l’a pas fait ériger en martyr de la République par l’ensemble de la population, étant fortement critiqué par de nombreux partisans de la démocratie en Iran.
Ali Khamenei, le guide suprême actuel de la révolution, et le Président de la République islamique actuel Hassan Rohani, sont donc pris entre deux feux : d’une part, ils pourraient invoquer la vengeance contre le peuple américain dans un contexte chaotique d’humiliation et d’affront direct, mais s’ils choisissaient cette option, leur pays serait en proie à une terrible dégringolade économique, ils ne peuvent donc pas rentrer dans une logique suicidaire financièrement parlant ; et deuxièmement, ils ne peuvent pas prendre le risque de s’exposer à la levée d’une protestation sociale dans le pays, de la part des sympathisants de la politique américaine, heureux de l’assassinat du Major Soleimani.
Il faudra laisser faire le temps pour voir les réelles retombées à long terme de cet escalade sans précédent entre les deux pays ; escalade si forte que certains ont même envisagé la possibilité d’un Troisième conflit mondial, mais cette hypothèse est concrètement improbable compte tenu de la situation affaiblie de l’Iran, aussi bien sur le plan international, où elle se retrouve de plus en plus isolée de l’Europe et des autres pays sunnites, puissants et soutenus, mais aussi parce que son hégémonie chiite n’est pas aussi solide qu’elle voudrait le faire croire, en proie à une potentielle nouvelle révolution guidée contre le régime en place.
De nouveaux rebondissements ?
L’assassinat du général n’est pas la dernière actualité en date en rapport avec le conflit géopolitique ; le crash du Boeing 737 ukrainien en Iran a cette fois-ci mis le feu aux poudres non pas chez les américains, mais au sein même de la population iranienne, comme nous l’avons dit précédemment, déchirée entre soutien indéfectible à la République et à Soleimani d’un côté, et haine viscérale du régime oppressif en place de l’autre, tout cela sur fond de crise économique et sociale profonde.
Un avion de ligne ukrainien, comportait 176 victimes, dont de nombreux ressortissants canadiens, ce qui a fait réagir Justin Trudeau, premier ministre canadien, évoquant la possibilité d’un tir volontaire de missiles iraniens. Il n’en fut rien, et il se trouve que cet avion aurait été selon l’ensemble des sources officielles, abattu par erreur dans la nuit du 8 janvier 2020.
C’est donc dans la nuit du 7 au 8 janvier que le Boeing 737 décollait de l’aéroport de Téhéran, lorsqu’en amorçant un demi-tour, il se crash après avoir été touché par des tirs de missiles. Aucun des 176 passagers, dont des Iraniens, des Ukrainiens, des Suédois et de nombreux Canadiens, n’aura survécu.
Ce drame malheureux intervient dans un contexte de tensions accrues, et suscite énormément d’incompréhension de la part de la communauté internationale, mais aussi de la part de la population iranienne qui attend des clarifications.
Seul l’avenir nous révèlera si cet avion a bien été abattu par erreur, pour l’instant les vives tensions sociales qu’a fait naitre ce crash ne sont pas dues aux suspicions d’une action volontaire, mais concernent la position officielle floue du gouvernement iranien.
Hassan Rohani, président actuel de la République islamique d’Iran, tiendra une position plus qu’ambiguë vis-à-vis du drame, en niant dans les premières heures qui suivent le crash, toute implication du pays dans cet incident.
Ce n’est que depuis avant-hier, le 13 janvier 2020 que le commandant de la police de Téhéran, Hossein Rahimi reconnait la culpabilité de l’Iran dans ce crash, à la suite d’une erreur de gestion dans le système de protection aérien iranien par missile ; il a également nié avoir tenté de cacher la responsabilité totale de l’Iran concernant l’erreur de tir.
Il assure que des coupables seront trouvés et punis pour une telle ingérence.
Mais dire que les coupables seront trouvés et condamnés n’est pas suffisant pour la population qui se sent trompée, trahie, humiliée une fois de plus à l’international, avec un gouvernement fallacieux et menteur selon elle, qui chercherait à « étouffer l’affaire » et qui pourrait même avoir volontairement organisé cette attaque, recherchant dans un esprit revanchard, à venger Soleimani contre la volonté d’une partie de la population.
De nombreux « Mort aux menteurs ! » sont alors scandés depuis samedi par des centaines de manifestants opposés au gouvernement iranien. Selon un article de France info, les policiers de Téhéran ont reçu des consignes de « retenue » face aux manifestations, pour éviter des débordements policiers, et le gouvernement continue de soutenir mordicus qu’aucune tentative d’étouffer l’affaire n’a été envisagée.
La tension sociale en Iran est palpable, et l’atmosphère de plus en plus chaotique, comme le démontre le rassemblement samedi soir dans une université de Téhéran, avec l’organisation d’un hommage aux victimes du crash, qui a viré à une violente manifestation contre les autorités, dispersée évidement par la police du régime.
Selon plusieurs journalistes, dimanche soir, de nouveaux rassemblements de colère ont eu lieu dans la capitale, d’une ampleur difficile à évaluer. On imaginera facilement des heurts violents et puissants, cri d’une profonde souffrance qui sommeille chez les iraniens, victimes de la misère sociale et des illusions politiques autoritaires.
La population iranienne se remet très difficilement d’un mouvement social de contestation né à la mi-novembre 2019, faisant suite à une hausse soudaine et forte du prix de l’essence. Dans un de ses rapport, « Amnesty International » estime qu’au moins 300 personnes ont été tuées dans la répression policière, qui aurait éteint le mouvement en seulement trois jours ; sans confirmer officiellement ce chiffre, nous dénoterons simplement les tentatives de répressions sociales accrues du gouvernement iranien en place contre sa propre population.
La dernière actualité majeure en date, est l’arrestation le samedi soir de la manifestation devant une université à Téhéran, de l’ambassadeur britannique Rob Macaire qui a été arrêté par les autorités iraniennes le soir-même, et détenu pendant environ une heure pour avoir apparemment incité des étudiants à manifester devant l’université Amir Kabir. Il sera finalement relâché, mais l’Angleterre a condamné fermement l’arrestation, invoquant une violation de la Convention de Vienne de 2015.
La suite des événements à venir reste incertaine pour l’Iran, mis à mal par l’extérieur et par l’intérieur, pris au piège entre ses partenariats dangereux et sa politique de répression sociale inhumaine ; certains tireront largement profit d’une nouvelle crise iranienne, et d’un chaos dans le pays, il devient donc essentiel de s’informer avec nuance et intelligence sur le futur de l’escalade, pour construire une réflexion équilibrée sur la très complexe question iranienne.