Gérer l’urgence – La crise sanitaire

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Nous vivons, en ce début d’année mouvementée, une crise sanitaire sans précédent en France, la plus grave depuis 1 siècle.
Une grande inquiétude nait alors, nourrie par la population, le politique et le monde médical, sur la corrélation entre le nombre de malades et la disponibilité de l’équipement médical du pays, sur la vitesse de propagation du virus et son déplacement sur le territoire, ainsi que de nombreuses questions pesant sur l’avenir, comme celle de la mutation du virus.
Aujourd’hui, il n’impacte que le pan âgé de la population nationale, mais il n’est pas improbable que demain, il puisse toucher d’une autre manière les plus jeunes des actifs.

Cet article présentera sous une forme condensée les différentes étapes dans la gestion d’une crise sanitaire, soulevant les enjeux sécuritaires d’une nation, et de la protection de la population dans son ensemble. C’est un exercice politique inédit pour chaque mandature qui s’y retrouve confronté.

Dans cette configuration, les français en attendent beaucoup de l’Etat, tout comme l’Etat en attend des français. Alors, temps de l’union et la coopération, ou temps de la division ?

Le rôle de l’armée dans la crise sanitaire, et cluster de Creil

L’armée trouve une place importante dans les temps troubles des crises sanitaires, elle constitue une réserve humaine de haute compétence prête à intervenir quand les choses tournent mal.
Il est du rôle de l’armée d’intervenir quand les autres acteurs civils n’ont plus la capacité de le faire, à savoir lorsque les moyens civils sont inexistants, insuffisants, inadaptés ou indisponibles. Ainsi, en cas de crise sanitaire ou de pollution massive par exemple, c’est au gouvernement, aux autorités administratives centrales de la Santé et de l’Intérieur, que revient le soin de décider du seuil de déclenchement d’une quelconque intervention militaire de ce type.

Les compétences militaires dans le domaine de la santé sont diverses, elles sont principalement axées en cas de crise grave autour des domaines nucléaires, bactériologiques, chimiques mais aussi radiologiques.
Le SSA, service de santé des armées, peut tout à fait en temps de crise fournir du personnel compétent, du matériel, voire des locaux. A la suite du 13 novembre 2015 par exemple, le SSA avait dispensé des enseignements médicaux dans le domaine de la prise en charge des blessés par armes de guerre.
Ce service est autonome dans ses expertises et sa recherche, il soutient médicalement l’ensemble des forces armées de Terre, d’Air et de la Marine, ainsi que les effectifs de Gendarmerie nationale.

La médecine militaire repose sur la pratique du « damage control » comme l’explique le site du Gouvernement, un concept complémentaire à celui du sauvetage au combat, et qui est nécessaire pour réduire le temps opératoire initialement prévu, en ne réalisant que les gestes de sauvetage ou de réanimation réellement nécessaires, le reste étant considéré comme superflu.
Le but est toujours d’agir vite, en complément de toute autre prise en charge médicale plus classique, inadaptée dans les cas extrêmes.

Face à la crise du coronavirus, l’armée française est face à un double enjeu, celui de protéger la population, mais aussi celui de se protéger.
La base militaire de Creil, touchée par la contamination, a prouvé à quel point les forces armées sont mobilisées aux côtés des civils dans la gestion de crises sanitaires, que leur rôle de prise en charge est fondamental.
Le colonel Bruno Cunot, en charge de la base militaire aérienne de Creil, a en effet expliqué que 16 de ses hommes ont participé au rapatriement des 193 premiers français restés à Wuhan.
Beaucoup de rumeurs ont circulées sur une soit-disant très mauvaise prise en charge, non sécurisée et laxiste, rumeurs démenties par le ministère de la Défense, qui dans un communiqué publié sur son site n’a pas hésité à mettre les choses au clair, en disant que les militaires avaient été parfaitement préparés à ce rapatriement, équipés de masque FFP2 et subissant des contrôles médicaux réguliers.

Plusieurs cas seront finalement recensés sur la base militaire, mais impossible d’affirmer qu’ils sont à l’origine du cluster de l’Oise; à l’heure actuelle des enquêtes épidémiologiques sont en cours pour analyser plus en profondeur la situation complexe de la base militaire de Creil, l’ARS et le service de santé des armées sont en cours de recherches sur la manière dont le virus a pu s’infiltrer dans la base, et éventuellement en sortir, touchant des civiles.

Tweets de Florence Parly, Ministre de la Défense

Que dit la Constitution ? Elle consacre l’Etat d’urgence

« Il est des cas ou il faut mettre, pour un moment, un voile sur la liberté, comme l’on cache les statues des dieux ».

La période extraordinaire en France est la période durant laquelle l’Administration se retrouve confrontée à des situations extrêmes, ingérables selon les modes de fonctionnement démocratiques quotidiens. Les procédures ont besoin d’être rapides, les mesures radicales ; ainsi, les pleins pouvoirs peuvent être conférés au Président de la République grâce à l’article 16 de la Constitution. L’article 36 quant à lui, consacre l’Etat de siège, et la loi de 1955 pose les bases de l’Etat d’urgence, régime qui a connu des modifications législatives en 2015, dans le contexte des attentats.
De nouvelles rumeurs circulent de nouveau, sur la possibilité que le Président Emmanuel Macron, puisse avoir recours à l’article 16. La crise du coronavirus ne garantit pour l’instant aucunement une situation d’extrême urgence dans laquelle le Président serait l’unique « sauveur » ; c’est avant tout dans une logique de coopération que les acteurs doivent habilement jouer, entre armée, personnel médical, particuliers et acteurs internationaux.

Mais que prévoit réellement le régime de l’article 16 ?
Il prévoit un pouvoir propre unique du Président de la République, il n’aurait plus besoin du contreseing ministériel, tous ses pouvoirs seraient ensuite intensifiés, et notamment son pouvoir réglementaire, étendu à la prise de normes à valeur constitutionnelle, seul.
Dans ce régime extraordinaire, le Président demeure le seul juge de la finalité des mesures, il est aussi le seul qui fixe l’expiration des mesures.

On imagine très mal que ce régime puisse permettre une bonne gestion de la crise, à l’heure ou l’unité doit être de mise, permettant seule la coordination et l’efficacité des autorités.

On peut néanmoins se poser la question sur l’évolution de la situation d’un Etat d’urgence particulier, en cas de propagation extrême du COVID-19, pour pouvoir faire respecter les mesures de confinement par exemple.
L’Etat d’urgence permet une extension des pouvoir de perquisition, des fermetures de salles de spectacle, de débits de boisson, une interdiction de circuler, de manifester, et même parfois de séjourner dans un département tiers. L’Administration a aussi le pouvoir d’assigner à résidence de manière étendue. Cependant, ce régime n’est applicable qu’aux situations de guerres, de grèves générales ou de menaces naturelles catastrophiques, ce qui n’est pas le cas ici.

Coopération européenne : union ou déclin ?

La crise sanitaire que nous traversons a posé la question chez des élus de droite et de gauche, de la souveraineté européenne, de la coopération censée être solide surtout en temps de crise. L’Italie, embourbée dans une situation économique et médicale très complexe a reçu en priorité une aide de la part du continent asiatique, avant celle d’autres pays de l’Europe.
Edouard Philippe a aussi souligné dans sa dernière intervention télévisée, son étonnement face à la prise de décisions radicales de certains pays de l’Union européenne sans concertation préalable avec les autres puissances.
Ainsi l’Allemagne, tente de fermer ses frontières d’une manière plus ou moins brutale, et l’Espagne comme la France, plongent dans une situation préoccupante, faisant craindre un scénario à l’italienne.

Une chose est sûre, le contrôle des frontières n’est pas une utopie, sachant à quel point une telle mesure a pu être radicalement efficace en Chine ou en Corée.
Cette crise peut donc questionner les dirigeants européens sur le sujet de l’avenir de l’Union ; elle reste essentielle, dans un contexte de tensions économiques et sociales, de crises migratoires et de potentiels futurs déplacements climatiques, ou crises démographiques. Elle reste essentielle d’un point de vue guerrier, compte tenu de l’affaiblissement des investissements dans la défense nationale des différents pays membres.
Maintenant, chaque pays doit être à même de conserver une part de souveraineté, et doit faire des choix pragmatiques ; et ces prises de décisions souverainistes, parfois individualistes se sont révélées à travers la crise.
Il est urgent que l’Europe retrouve un second souffle au sortir de la crise.

L’après crise et l’Etat-Providence, prend-il ici tout son sens ?

Après le tournant néolibéral profond que connait le monde depuis les années 1970, et le nouveau capitalisme non plus managérial mais d’actionnaires, les économistes se tournent de plus en plus vers une nouvelle façon d’appréhender le capitalisme, en souhaitant freiner les « passions boursières » et en incitant les grandes fortunes à se tourner vers l’investissement local, national, dans un but de souveraineté et d’indépendance.
Cette crise a évidemment révélé nos profondes failles vis-à-vis de la dépendance chinoise, et plus généralement, le problème français de la délocalisation.
Il est impératif de repenser notre modèle économique au sortir de cette crise, à la fois pour aider les TPE et PME à sortir la tête de l’eau, ainsi que pour penser à la relocalisation responsable et à la réintroduction d’emplois français.

Une relance économique sera nécessaire pour pallier les effets négatifs, pesant sur la croissance depuis le début de l’épidémie, mais pour l’instant la logique est à l’aide étatique, là où l’Etat Providence s’incarne plus que jamais.
Bruno Lemaire a parlé dans sa conférence de presse durant laquelle il était accompagné de la ministre du Travail Muriel Pénicaud, de « nouveau capitalisme ». Reste à savoir si cette volonté restera purement orale ou s’incarnera au moment de la relance.
Pour l’heure , les priorités sont au soutien des entreprises, avec des mesures inédites de report du paiement des cotisations et impôts.

Aggravation sanitaire

Si jamais la crise venait à s’aggraver, ce qui est peu probable vu les mesures (enfin) radicales que le Président s’est décidé à prendre, mais qui restent encore contestées par certaines personnalités politiques ; l’armée serait l’alliée de taille du gouvernement et de la population.
L’armée de l’air dispose des avions de transport A400M Atlas, C-130 Hercules, C-160 Transall et CN-325 Casa comme l’explique un article du Point. Ils sont tous mobilisables, tout comme les avions de ravitaillement A330 Phénix, qui peuvent devenir des avions sanitaires ou d’évacuation de ressortissants dans les cas les plus graves. D’autres avions de l’escadron de transport Estrel sont aussi médicalisables et capables d’emporter de lourdes gardes de fret. Toujours d’après Le Point, de nombreux hélicoptères français sont aussi réquisitionnables, tout comme l’Aviation légère de l’armée de terre et de la marine nationale.
Les navires de la marine nationales peuvent aussi être mis à contribution, dans une projection d’hôpitaux flottants par exemple.

Tout cet équipement est déjà mis à disposition pour les nombreuses interventions humanitaires que la France mène en dehors des frontières ; il peut être mis à disposition en cas d’aggravation de la crise, ce qui n’est pour l’instant pas envisagé. Il faut garder à l’esprit que la France est un pays bien équipé militairement et médicalement, même si la fin de la crise sonnera peut-être le glas d’un manque cruel de moyens mis à disposition de l’hôpital public et de la Recherche française.

Il est important de ne pas minimiser les effets de cette crise ni ses conséquences, tout comme il ne faut pas minimiser la capacité de gestion de crise française, aussi bien médicale que militaire.
Prenons le temps d’appliquer la meilleure défense pour le moment, celle de #ResterChezSoi, de faire preuve de civisme, et de bon sens.



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