Speed Debating : « Les conséquences stratégiques des élections américaines »

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Compte rendu de la session Speed Debating du 16 Novembre 2016, organisé en partenariat avec le Pôle débat

Mercredi 16 novembre dernier s’est déroulé notre premier speed debating de l’année. La problématique était alors : Quelles sont les conséquences stratégiques des élections présidentielles américaines ?

Cette thématique générale était alors divisée en 3 questions :

  1. La politique étrangère de D. Trump, un changement radical ?
  2. Les alliances économiques et le libre-échange, un futur pour les anciens accords de la présidence Obama ?
  3. Le nouveau président a-t-il les moyens intérieurs pour appliquer sa politique ?

Afin de répondre à ces différentes questions, nous avons fait appel à quatre spécialistes.

Laura Hobson nous a fait l’honneur de participer. Historienne spécialisée dans les relations franco-américaines pendant la seconde guerre mondiale, elle est d’origine américaine et a fait sa thèse à Paris. Aujourd’hui, maître de conférence à l’université Paris 3 Sorbonne Nouvelle, elle enseigne des cours de civilisation américaine.

James Cohen, professeur au département du monde anglophone à l’université Sorbonne-Nouvelle Paris III, ancien maitre de conférences au département de sciences politiques à Paris VIII. Il est chargé de cours à l’Institut des Hautes Etudes de l’Amérique Latine. Auteur de Spanglish America, traitant des enjeux de la latinisation des Etats-Unis, il est spécialisé dans le domaine des migrations internationales/transnationales vers les Etats-Unis, les politiques d’immigration, les mouvements sociaux associés à l’immigration et la diversité ethnoraciale de la population étasunienne.

Nicolas Vaicbourdt, ancien diplomate, est aujourd’hui maitre de conférence à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il est spécialiste de la politique étrangère américaine, des relations transatlantiques et de la guerre froide.

Alexandre Andorra, ancien élève de l’ENA. Diplômé d’HEC Paris, son mémoire porte sur la conceptualisation de l’Europe dans la politique étrangère des Etats Unis depuis la fin de Guerre Froide. Ses domaines de recherche sont la sécurité et la défense, ainsi que la militarisation et démocratisation de l’espace. Il co-signe avec Thomas Snegaroff Géopolitique des Etats Unis.

Voici les échanges qu’étudiants et intervenants ont partagé.

Première question : La politique étrangère de Trump, un changement radical ?

A.A : Si un changement radical doit se faire dans la politique étrangère, cela concerne le Moyen Orient. Trump est imprévisible à ce sujet. Il peut abandonner la politique de retrait des troupes du Moyen Orient d’Obama. Cependant, durant la campagne, il a condamné à plusieurs reprises l’intervention en Irak en 2003. La position pro-israélienne du président peut être aussi vue comme une menace concernant les relations des USA avec l’Iran. Il est cependant peu vraisemblable que le congrès américain laisse Trump contester les accords nucléaires tout récemment signés. Aussi, Trump est voué à tromper son électorat, car ses lacunes sur la question l’obligeront à entrer dans le système qu’il a tant critiqué.

J.C : Il est encore difficile de répondre à cette question ne connaissant encore l’administration de Trump. Les rapprochements avec la Russie sont probables. Cependant, des contradictions s’imposent. Trump ne compte pas épargner B. Assad. De plus, il souhaite revoir les conditions sur l’accord iranien. Or, ces deux pays sont amis avec la Russie. Son raisonnement marque alors une profonde incohérence. Sur le dossier israélo-palestinien, Trump ne compte pas faire grand-chose ne connaissant qu’à moitié le sujet. Sur la question de l’OTAN, Trump peut arranger Poutine. En effet, Obama voulait « encercler » la Russie avec l’OTAN. Or Trump semble avoir moins d’enthousiasme sur cette stratégie.

N.V : Poutine et Trump ont un point commun : ils privilégient tous les deux les intérêts de leur pays avant tout. Dans un modèle protectionniste, les politiques se font au jour le jour. Le but est de finir la journée avec des bénéfices. Trump ne va pas imposer la culture d’un businessman aux relations internationales. Ainsi, il n’y aura pas forcément de rupture radicale.

L.H : Si Trump décide de se montrer isolationniste, cela aura pour conséquence de laisser une plus large marge de manœuvre à la Russie de Poutine. Trump est perçu comme une personne facile à influencer et à manipuler. Au final, Trump ne va pas vraiment toucher à ce qui peut avoir des répercussions sérieuses pour Israël et pour ses alliés. 

La deuxième question : les alliances économiques et le libre-échange, un futur pour les accords de la présidence Obama ?

A.A : Trump s’est opposé à tous les traités de libre échange (ALENA, TTIP, TPP), en faveur d’une politique protectionniste visant à contrer le dumping social de la Chine. Trump soutient l’exploitation du gaz de schiste. Il utilise comme prétexte les énergies renouvelables afin d’expliquer l’augmentation du chômage, ce qui lui permet de justifier sa volonté de ne pas respecter le dictat de la COP 21. Un point positif en revanche : Trump souhaite relancer les infrastructures dans une perspective keynésienne. Les démocrates seraient favorables à cette initiative.

J. C : De nombreux accords risquent que ne pas voir le jour sous l’ère Trump à commencer par le TAFTA. Nous pouvons affirmer presque avec certitude que ce traité ne verra jamais le jour. Ce serait cependant une erreur des Etats Unis de se détacher de l’ALENA, car cela pourrait laisser une large marge de manœuvre pour la Chine. Trump le nomme « le plus mauvais accord de l’histoire ». Il laisse entendre qu’il veut l’abandonner. Pour lui, l’ALENA pose un problème de souveraineté, c’est donc contraignant. Sur les accords de Paris, Trump risque d’avoir les mains liées pendant un certain temps. Il semble difficile de revenir dessus. Au final, Trump semble être aussi libéral qu’Hillary Clinton, à la différence du discours nationaliste.

N.V : Trump veut revenir sur la libre circulation en interne pour relancer l’économie. Il souhaite fermer l’accès aux entreprises étrangères car selon lui, le marché du travail américain doit être développé et favorisé. Mais sur le plan externe pas de changements apparemment. La difficulté notamment est dans l’enrichissement des américains, différent de l’enrichissement du pays: le PIB augmente depuis de nombreuses années mais l’écart entre riches et pauvres augmente. La question de savoir de qui va s’entourer Trump pour sa politique économique est donc très importante ! Nous pouvons cependant affirmer une discordance entre discours populistes et principe de réalité: Trump est un businessman donc n’est pas foncièrement anti-trade; même si son business s’est toujours concentré aux Etats-Unis.

L.H : C’est irréaliste de voir un changement avec l’ALENA. Il ne peut pas vraiment réussir à fermer la frontière. C’est la réforme du droit de regroupement familial qui serait remise en cause. Ce qui est certain, c’est qu’on ne peut pas revenir sur cette politique monumentale. S’il y a des immigrants illégaux, c’est qu’elle joue un rôle important dans l’économie. Trump est un homme d’affaire, il pourrait laisser rentrer des immigrants illégaux pour en faire bénéficier l’économie.

La troisième question : Le nouveau président a t-il les moyens intérieurs pour appliquer sa politique (manifestations et congrès)?

L.H : Le congrès est composé de deux branches et toutes sont de droite. En ce moment, l’enjeu principal ce sont les juges de la Cour Suprême. Pendant l’administration Obama, il y a eu deux juges femmes, et il y a 6 mois il y a eu la mort soudaine du juge le plus conservateur. Normalement le président Obama devait nommer le nouveau juge. Beaucoup de personnes pouvaient être nommées et jusque là le Sénat a complètement bloqué les choix d’Obama. De fait, c’est maintenant à Trump de nommer le nouveau juge. Or le but de Trump est de renverser le droit d’avortement mais jusque là, la Cour Suprême a maintenu ces droits. Que va t-il advenir de ces droits après la nomination de ce nouveau juge ?

J.C : Tout d’abord, sur la politique d’immigration de Trump et la question des sans-papiers. Quand il annonce qu’il va expulser entre 2 et 3 millions de personnes parce que ce sont des criminels, il peut le faire. Mais c’est faux de croire que 3 millions de mexicains sont des criminels ! C’est un discours dangereux, on libère le discours raciste.

Cependant, des contre-pouvoirs peuvent se mettre en place. Il y a des villes où l’on ne mettra pas en œuvre sa politique d’immigration. Mais d’un autre côté, d’autres états peuvent collaborer davantage avec les autorités fédérales, notamment les états conservateurs. Il faut savoir qu’Obama expulsait 400 000 immigrés par an. Mais on peut déjà dire que sous Trump il sera impossible d’imaginer une politique de régularisation.

En ce qui concerne ObamaCare, après avoir rencontré Obama, Trump hésite à démanteler la totalité du projet d’Obama. En effet, s’il retire la sécurité à ceux qui viennent de l’avoir, Trump risque de devenir très vite impopulaire aux Etats-Unis

N.V : La démocratie au final c’est « je vote et j’accepte ». Qu’une partie de la population soit inquiète ne signifie pas que la démocratie est en danger. Le problème est la dérive (ex : nazisme). Au final le système compte plus que la figure du Président. Ainsi Trump va forcément devoir se plier à l’establishment même s’il a été élu contre celui ci.

A.A : Le président des Etats-Unis a finalement peu de pouvoir sur les enjeux intérieurs de la politique américaine car c’est le Congrès qui possède le pouvoir législatif. Cependant, son influence pourrait avoir des conséquences négatives à court terme. Stratégiquement, il va vouloir s’empresser d’exécuter les idées phares de son programme pour satisfaire son électorat. Cependant, Trump aura besoin de l’appui de la majorité des Républicains.

Encore merci à tous d’être venus. Nous espérons vous revoir très prochainement pour de nouveaux débats/conférences.

Notes prises par Diane Kotedje, Amélie Delcamp, Giulia Orso Giacone, Carl Wozniczka. Compte-rendu rédigé par Carl Woznickza.

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