Ce jour dans l’histoire – Le Traité de Paix Israélo-Egyptien du 26 mars 1979

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L’Etat d’Israël, créé en 1948, fut au cœur de nombreux conflits avec les pays arabes. Le considérant comme un occupant illégitime, voire impérialiste, d’une terre arabe, ces derniers tentèrent d’empêcher les échanges dans le port israélien d’Eilat en fermant le détroit de Tiran en 1967. Cette situation économique contraignante mena à la guerre des Six-Jours de 1967 entre Israël d’un côté, et l’Egypte, la Jordanie et la Syrie de l’autre.  En six jours, les pays arabes connaissent une défaite stupéfiante. L’Egypte perd en effet le désert du Sinaï et la bande de Gaza ; la Syrie, le Golan ; la Jordanie, la Cisjordanie et Jérusalem-Est. Toutes ces régions furent alors occupées par Israël. Ces occupations illégales et ainsi condamnées par la résolution 242 de l’ONU, engendra, en raison de l’absence de restitution de ces terres, la quatrième guerre israélo-arabe de 1973, dite la guerre du Kippour.

Israël sortant vainqueur à nouveau, la situation demeura la même. C’est pourquoi, le Président égyptien Anouar El-Sadate, successeur de Nasser, conscient que l’arme diplomatique sera plus efficace que les forces armées, se rendit en 1977 en Israël, plus particulièrement à Jérusalem Ouest, pour amorcer une politique d’apaisement, qui est selon lui un « tournant historique décisif ».
Face à la Knesset, l’Assemblée législative d’Israël, il déplora les conflits passés et rappela que « toute vie perdue dans la guerre est celle d’un être humain, qu’il soit arabe ou israélien » et insista sur la nécessité d’assurer aux peuples égyptien et israélien « un heureux avenir ».
Anouar El-Sadate n’oublia néanmoins pas son but ultime, la restitution des terres. Il déclara que la paix est « fondée sur la justice et non sur l’occupation des terres d’autrui », terres arabes occupées « par la force des armes » et que « nous insistons sur un retrait complet de ce territoire arabe, y compris Jérusalem arabe ».

Cette démarche pacifique mènera ainsi aux négociations entre les deux Etats des accords de Camp David, qui seront signés le 17 septembre 1978 au sein de la Maison Blanche aux Etats-Unis.
En effet, une médiation fût menée par le Président des Etats-Unis Jimmy Carter étant donné que les buts menés par le Président égyptien Anouar El-Sadate et le Premier ministre Israélien Menahem Begin étant finalement peu compatibles. Contrairement à la volonté égyptienne d’un règlement global de la situation du Proche Orient, Menahem Begin, tient à séparer le processus de paix Israélo-Palestinien de l’évolution de la situation à Gaza et en Cisjordanie (BIBLIO 1). Il voulait dissocier la résolution du conflit bilatéral à celle du conflit global.

Après de longues négociations, les accords de Camp David mèneront au Traité de Paix entre Israël et l’Egypte, signé à Washington le 26 mars 1979, malgré la réunion du Front arabe de la Résistance à Bagdad en novembre 1978 pour marquer leur réprobation à la politique de « capitulation » menée par le Président Sadate. En réponse à l’isolation infligée à l’Egypte par les autres pays arabes, Anouar el-Sadate déclara que « les autres ne veulent pas entrer dans la modernité » comme le retranscrit Mohamed Hasnine Haykal dans son livre La Guerre de 1973.

Les Etats-Unis prirent une place très importante dans les négociations houleuses en raison de l’impact qu’un tel Traité pourrait avoir dans les relations diplomatiques des Etats-Unis, il aurait permis, selon le Président Jimmy Carter, d’asseoir l’influence américaine dans la région. En effet, les Etats-Unis venaient de perdre leur allié Iranien après la Révolution de 1979. Toute relation diplomatique entre les deux pays étaient rompues depuis la prise d’otages à Téhéran, au sein de l’ambassade des Etats-Unis par 400 étudiants Iraniens en réponse au fait que les Etats-Unis aient accueilli le Shah depuis le 22 octobre, exilé, dans un premier temps au Mexique au lendemain de la Révolution Iranienne de Janvier 1979. (BIBLIO 2)
Ainsi, avec le Traité de paix, le Président Jimmy Carter espère mettre en place la politique des « petits pas » inaugurée par M. Kissinger, en considérant que la paix au Proche Orient ne pourra voir le jour que sur la durée et qu’il faut l’amorcer en douceur.

Ce Traité permis à l’Egypte de récupérer le Sinaï en 1982, après le retrait complet de l’armée israélienne et le démantèlement de certaines implantations juives comme à Yamit. L’Egypte put également négocier un libre accès vers la Jordanie. De son côté Israël obtint une garantie sur la liberté de circulation sur les voies d’eau du canal de Suez et du détroit de Tiran. Les deux pays avaient également décidé la normalisation de leurs relations diplomatiques et donc l’éloignement de leurs armées respectives aux frontières communes.

Suite à ces accords, Menahem Begin et Anouar el-Sadate reçurent le prix Nobel de la paix en 1978.
Néanmoins, la place de leader qu’avait l’Egypte au Proche Orient fut fortement remise en cause par ces accords, considérés comme oubliant les intérêts de l’ensemble du Proche Orient dont les terres n’avaient toujours pas été remises par Israël. L’Egypte fut alors exclue de la Ligue arabe de 1979 à 1989 (BIBLIO 3) et Anouar el-Sadate fut assassiné en 1981 par des fondamentalistes musulmans (BIBLIO 4).

Malgré le fait que le contenu de tels accords avait été proposé par Anouar el-Sadate dès 1971 sans connaître le moindre succès auprès des Etats-Unis et d’Israël, Noam Chomsky souligne que « Kissinger et Israël ont été obligés petit à petit d’accepter la proposition de 1971 de Sadate, qui a finalement été signée à Camp David en 1978. L’histoire présente cela comme un triomphe de la diplomatie américaine. En réalité, c’était une catastrophe diplomatique : accepter en 1978 une proposition qu’ils auraient pu accepter en 1971, évitant ainsi une guerre majeure, des alertes nucléaires, des souffrances terribles… » (BIBLIO 5) ;
Il est quand même important de ne pas sous-estimer l’impact qu’ont eu de tels accords, étant donné que le Traité a donné lieu à la création de la Force multinationale et d’observateurs au Sinaï, mise en œuvre en 1982, en vue de faire respecter le Traité de paix de 1979 (BIBLIO 6).
Surement que sans ces accords, ceux d’Oslo de 1993, entre Israël et la Palestine, la Conférence de Madrid de 1991 sur la paix dans le Proche-Moyen Orient et, plus tard, le sommet de Camp David II en 2000, n’auraient pas vu le jour.

Bibliographie :

BIBLIO 1 : cf analyse de Jacques Vernant : Camp David : la Cisjordanie et Gaza. Défense nationale, novembre 1978.

BIBLIO 2 : https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/a-teheran-l-ambassade-americaine-est-figee-en-1979_919599.html

BIBLIO 3 : http://www.lefigaro.fr/international/2011/11/15/01003-20111115ARTFIG00613-quel-pouvoir-a-la-ligue-arabe.php

BIBLIO 4 : https://www.la-croix.com/Debats/Ce-jour-la/6-octobre-1981-lassassinat-dAnouar-Sadate-Caire-2016-10-06-1200794194

BIBLIO 5 : cf Olivier Azam et Daniel Mermet, Chomsky et le Pouvoir, 2009

BIBLIO 6 : https://orientxxi.info/magazine/l-avenir-incertain-de-la-force-multinationale-au-sinai,1076

Source plus générale sur les accords de Camp David en 1979 :
http://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1980_num_26_1_2385

 

 

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Présentation de Charline Kelsch, auteur de cet article

isd24

Actuellement en troisième année de Droit International à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne, j’ai l’opportunité, grâce à SONU, de vous expliquer, à mon niveau, de façon simplifiée, des évènements ainsi que des décisions internationales qui ont marqué notre histoire en bâtissant le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, un monde où les rires laissent souvent place aux larmes…
Nous tous avons les mêmes rêves, ceux d’un monde meilleur où prône la paix, un monde égalitaire où les droits sont garantis. Alors oui, comme tout rêve, il demeure utopique, mais il ne tient qu’à nous, à chacun de nous, d’apporter notre pierre à l’édifice et seul le savoir nous guidera…
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