CE JOUR DANS L’HISTOIRE : La France se retire du commandement intégré de l’OTAN le 7 mars 1966

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A la une : Charles de Gaulle lors de la conférence de presse au cours de laquelle il annonce le retrait de la France de l’OTAN
Source Image :  http://geopolis.francetvinfo.fr/7-mars-1966-la-france-se-retire-du-commandement-de-lotan-12907 

  1.   Rapide genèse de l’OTAN

Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, alors que l’Europe se croit tirée d’affaire face à la guerre, naît un nouveau conflit où elle se trouve au centre : la Guerre Froide. Redevable du soutien états-unien pendant et à l’issue de la guerre, les États ″vainqueurs″ de l’Europe occidentale (Belgique, Danemark, France, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni) se lient aux États-Unis d’Amérique et au Canada au sein de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, issue du Traité de Washington signé le 4 avril 1949. La signature d’un tel traité, établissant notamment un système de défense mutuelle en cas d’agression armée, est alors une aubaine politique pour certains afin de faire contrepoids face à l’URSS, et une garantie de survie pour d’autres (l’Union soviétique menaçait l’intégrité régionale et la souveraineté de la Norvège, mais aussi de la Grèce et de la Turquie qui intègreront l’OTAN en 1952). La création de l’organisation s’appuie donc sur l’article 51 de la Charte des Nations Unies qui prévoit qu’une association de nations n’a pas besoin de l’autorisation du Conseil de sécurité dans le cadre de la légitime défense collective.

Le XXème siècle lui ayant fait prendre conscience qu’elle ne pouvait plus assurer seule sa sécurité, la France, qui grâce à l’insistance du Général de Gaulle avait réussi à se constituer membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, réalise toutefois très rapidement que l’ONU ne suffira pas –notamment du fait des multiples blocages entre les États-Unis et l’URSS. Ainsi elle est en première ligne pour la constitution d’une organisation qui lui assurerait le soutien militaire de ses alliés en cas d’attaque.
Une fois le traité signé, la France demande une aide militaire aux États-Unis qui, en contrepartie de la livraison de cette aide, installent des infrastructures logistiques sur le sol français et y font stationner leurs troupes.

Très rapidement pourtant, des désaccords apparaissent entre les États-Unis et la France, notamment au sujet de la CED (Communauté européenne de défense qui sera rejetée par l’Assemblée nationale en 1954), du ralliement de la RFA à l’OTAN dont nous parlerons dans quelques mois, ou encore du fonctionnement général de l’organisation. Dans le même temps se développe un mouvement, porté par le slogan « US Go Home », visant à contester le poids militaire grandissant des États-Unis en France qui dégrade son image vis-à-vis de ses alliés.

              2. Charles de Gaulle et le rêve d’une France forte et indépendante

Dans une lettre du 7 mars 1966 adressée au président états-unien Lyndon Johnson, le Général déclare : « La France se propose de recouvrer sur son territoire l’entier exercice de sa souveraineté, actuellement entravé par la présence permanente d’éléments militaires alliés ou par l’utilisation qui est faite de son ciel, de cesser sa participation aux commandements intégrés et de ne plus mettre de forces à la disposition de l’OTAN. » Le retrait sera officiellement prononcé le 8 juin lors de la conférence de Bruxelles.

Si l’annonce de ce retrait apparaît comme un véritable coup de tonnerre diplomatique, il n’en est pas moins la suite logique d’une série de mesures depuis le retour au pouvoir de De Gaulle visant à éloigner la France de l’OTAN. Le Général avait en effet dès 1958 sommé le président américain Eisenhower et le premier ministre britannique MacMillan de réformer le commandement intégré pour en faire une direction tripartite dans laquelle la France aurait évidemment la place qui lui revient, ajoutant que l’Hexagone « y subordonne tout développement de sa participation actuelle à l’OTAN ». Ainsi progressivement, le Président français avait pris des mesures tendant à éloigner le pays de l’OTAN, comme par exemple le développement d’un programme de dissuasion militaire indépendant ou le retrait de la Marine nationale du commandement de l’organisation.

Si cette décision n’arrive donc pas comme une surprise sur le plan géopolitique, elle est aussi tout sauf surprenante idéologiquement parlant. Attaché à une certaine idée de grandeur pour la France qu’il avait avec insistance tenté de faire compter, d’abord parmi les vainqueurs de la guerre, puis parmi les grandes puissances mondiales, Charles de Gaulle vivait mal sa relégation au second plan, notamment au sein de l’OTAN. Il déclarait à ce propos dès son retour au pouvoir « notre place dans l’organisation de l’OTAN doit être reconsidérée. Les Américains disposent dans l’organisation des commandements d’une prépondérance écrasante. Nous sommes complètement tenus à l’écart des plans élaborés par le SACEUR [Commandement suprême des forces alliées en Europe, l’un des deux commandements stratégiques de l’OTAN, ndlr] qui dispose de moyens dont l’utilisation échappe complètement à notre décision. » (2)

Le retrait des troupes américaines du sol français provoquera tout de même un important bouleversement dans les régions où elles étaient installées depuis 15 ans, à l’instar de la Lorraine ou de la Normandie.

              3. Une portée du retrait rapidement réduite

Tout d’abord, il est important de préciser que la France ne quitte en 1966 que le commandement intégré de l’OTAN, la structure militaire, et reste donc membre à part entière de l’Alliance atlantique, l’alliance politique sur laquelle se fonde l’organisation. De Gaulle précise d’ailleurs que le pays reste prêt à « combattre aux côtés de ses alliés au cas où l’un d’entre eux serait l’objet d’une agression qui n’aurait pas été provoquée ».

En outre, le retrait de la France est très vite compensé par de nombreux accords, l’un d’eux ayant même été signé par De Gaulle, ce qui amena l’historien Frédéric Bozo à déclarer qu’« avec le recul, le tournant de 1966 apparaît donc très relatif. » (2) Le général signe en effet en 1967 les accords Ailleret-Lemnitzer qui engagent les FFA (forces françaises stationnées en Allemagne) auprès des différents états-majors régionaux de l’Alliance. À la suite du départ du président De Gaulle, ses successeurs se rapprocheront à nouveau de l’OTAN.

La réintégration sera véritablement amorcée sous la présidence de Jacques Chirac qui annonce en 1995 le retour du chef d’État-major des armées au Comité militaire et celui du Ministre de la Défense au Conseil atlantique, puis sous la présidence de Nicolas Sarkozy qui finalise réellement le processus en votant la réintégration de la France dans l’OTAN en 2009.

Sources :

  1. Frédéric Bozo, Deux stratégies pour l’Europe : De Gaulle, les États-Unis et l’Alliance atlantique 1958-1969, Plon et Fondation Charles de Gaulle, 1996
  2. Frédéric Bozo, La France et l’OTAN (Complexe, 1996)

 

http://geopolis.francetvinfo.fr/7-mars-1966-la-france-se-retire-du-commandement-de-lotan-12907

https://www.nato.int/nato-welcome/index_fr.html

https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_50110.htm

https://www.lexpress.fr/actualite/politique/la-france-a-reintegre-l-otan-depuis-longtemps_746017.html

http://lewebpedagogique.com/bsentier/pourquoi-la-france-quitte-otan-en-1966/

http://www.lemonde.fr/international/article/2009/03/10/1966-la-france-tourne-le-dos-a-l-otan_1165992_3210.html

https://www.republicain-lorrain.fr/actualite/2016/03/02/il-y-a-50-ans-la-france-quitte-l-otan-l-armee-canadienne-et-us-en-mode-freloc-comme-fast-relocation

Gilles Andréani, « La France et l’OTAN après la guerre froide », Politique étrangère, 1998

https://fr.wikipedia.org/wiki/Relations_entre_la_France_et_l%27OTAN

 

Louise Le Gatt

Louise Le Gatt est la rédactrice en chef du blog de l’Antenne International Security and Defense pour l’année 2018-2019. Étudiante en Master Droit international à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et diplômée de licences de droit et d’économie, elle est passionnée par les relations internationales, d’histoire et d’économie. C’est donc tout naturellement qu’elle fait partie de l’équipe de Sorbonne ONU dédiée aux problématiques des conflits armés et des processus de paix, afin d’apporter son regard à la fois économique et juridique, toujours pragmatique, sur ces thèmes complexes.

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