La crise des otages américains en Iran

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Le 2 novembre 2017, le Washington Post révélait que les Etats-Unis avait fait appel au président Emmanuel Macron pour arranger une rencontre entre Donald Trump et le président iranien, Hassan Rohani. Mais la médiation française a échoué et le président iranien a refusé de rencontrer son homologue américain. Il faut dire que les relations entre les Etats-Unis et l’Iran restent conflictuelles et ont connu plusieurs crises, la plus célèbre étant la crise des otages américains de 1979 qui a engendré la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays en 1980.

 

Pour comprendre cette crise, il faut remonter aux années 1950 et notamment en avril 1951, date à laquelle les Iraniens élisent Mohammed Mossadegh comme premier ministre. Une fois au pouvoir, ce dernier entreprend de chasser les compagnies étrangères d’Iran et nationalise les exploitations de pétrole Britanniques et Américaines. La tension monte petit à petit entre le Royaume-Uni et Mossadegh et, en octobre 1952, Téhéran rompt ses relations diplomatiques avec Londres. La réaction internationale est immédiate : les marchés se ferment au pétrole Iranien, ce qui engendre une grave crise dans le pays et un bras de fer entre Mossadegh et le Shah (1), Mohammed Reza Pahlavi.

 

C’est ainsi que le 16 août 1953, un coup d’Etat est organisé par des officiers du Shah, mais échoue, entraînant l’exil de ce dernier en Italie. Trois jours plus tard, une autre tentative de coup d’Etat est orchestrée, appuyée par la CIA américaine. Elle mène au renversement de Mossadegh et cause plusieurs morts. Le Shah rentre alors de son exil le 22 août et reprend le pouvoir, soutenu par les Etats-Unis et l’Occident. Il lance ensuite une série de vastes réformes, connues sous le nom de « Révolution Blanche » et qui ont pour objectif de moderniser l’Iran afin de transformer le pays en une puissance économique et industrielle mondiale.

 

Cependant, cette modernisation déplaît à une partie de la société Iranienne chiite. Une forte opposition religieuse au gouvernement du Shah se développe alors et l’un de ses leaders, l’Ayatollah(2) Khomeiny, est arrêté puis forcé à l’exil en 1964.

Le gouvernement est également critiqué pour sa corruption et les pratiques violentes de la SAVAK (service de sécurité et de renseignement Iranien entre 1957 et 1979), ce qui provoque des mouvements de protestation dans le pays. Craignant une révolution, le Shah cherche de l’aide auprès des États-Unis, qui lui réaffirment leur soutien. Mais les manifestations s’intensifient, malgré une nouvelle loi interdisant tout rassemblement. Le souverain iranien est finalement renversé en janvier 1979 et s’exile au Maroc, puis en Amérique latine. C’est l’Ayatollah Khomeiny, jusqu’alors exilé en Irak, qui rentre en Iran et arrive au pouvoir en février 1979.

  • Déclenchement de la crise

Le Shah, exilé en Amérique, est atteint d’un cancer et c’est son hospitalisation en octobre 1979 dans un hôpital de New York qui constitue l’élément déclencheur de la crise des otages Américains en Iran. En effet, les Iraniens réclament son extradition afin de le juger et probablement l’exécuter comme ses anciens collaborateurs, ce que les Etats-Unis refusent.

C’est dans ce contexte que, le 4 novembre 1979, plusieurs centaines d’étudiants Iraniens entourent et prennent d’assaut l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran. Les militaires Américains présents dans le bâtiment les retiennent quelques heures, afin de laisser le temps au personnel de l’ambassade de détruire les documents confidentiels. Mais les étudiants réussissent finalement à entrer et prennent en otage une cinquantaine d’Américains.

Les autorités Iraniennes déclarent alors qu’elles libéreront les otages quand le Shah leur sera rendu. Le président américain Jimmy Carter répond à cela en imposant des sanctions d’ordre économique au pays. Les importations de pétrole Iranien sont ainsi suspendues et plusieurs ressortissants Iraniens vivant aux Etats-Unis en sont expulsés.

Les tensions entre les deux pays ne faiblissent pas et, le 7 avril 1980, Jimmy Carter rompt les relations diplomatiques avec Téhéran. Il décide ensuite de lancer l’opération Eagle Claw, pour essayer de libérer les otages à l’aide d’un commando. Cependant, cette dernière est annulée à cause de tempêtes de sable et de problèmes techniques.

Parallèlement, le président égyptien Sadate accepte d’accueillir le Shah et sa famille, ce dernier quitte donc les Etats-Unis pour l’Egypte où il mourra en juillet 1980. La mort du Shah, l’élection de Ronald Reagan comme président des Etats-Unis et le début de la guerre entre l’Iran et l’Irak font de la fin de l’année 1980 une période propice à la réouverture des négociations entre l’Iran et les Etats-Unis. Ces derniers font d’ailleurs appel au ministre des Affaires étrangères algérien, Mohamed Seddik Benyahia, pour servir d’intermédiaire. Cela permet la signature des Accords d’Alger le 19 janvier 1981, à la suite desquels l’Iran accepte de libérer les otages en échange du dégel des fonds Iraniens présents dans les banques Américaines et de la promesse que les autorités Iraniennes ne feront l’objet d’aucune poursuite judiciaire.

Les otages Américains sont ainsi libérés à Alger le 20 janvier 1981, après 444 jours de détention.

  • Le « Subterfuge canadien »

Cependant, quelques Américains présents dans l’ambassade n’ont pas connu le même sort. En effet, le jour de la prise d’otages par les étudiants, six diplomates Américains parviennent à s’échapper de l’ambassade sans être attrapés. Ils se réfugient d’abord chez le consul des Etats-Unis, mais cette cachette étant jugée trop dangereuse, ils partent très vite chez l’ambassadeur du Canada en Iran, Ken Taylor, qui les fait passer pour ses amis Canadiens.

Cependant, quelques semaines plus tard, des doutes naissent concernant le nombre exact de personnes présentes dans l’ambassade au moment de la prise d’otages. Le rapatriement des six diplomates Américains cachés chez l’ambassadeur Canadien devient donc une urgence.

C’est Antonio Mendez, un agent de la CIA, qui trouve la solution pour les exfiltrer : les faire passer pour des cinéastes Canadiens souhaitant tourner un film de science fiction en Iran. Une société fictive et un scénario de film de science fiction sont alors spécialement créés et, grâce à la coopération entre le gouvernement Canadien et la CIA, six faux passeports Canadiens sont fabriqués pour les diplomates. Le subterfuge fonctionne et les six diplomates Américains quittent l’Iran à bord d’un avion de la compagnie Swiss Air à destination de Zurich, le 27 janvier 1980.

La crise des otages Américains en Iran est un évènement majeur pour comprendre les relations tendues qu’entretiennent les deux pays. Elle marque une rupture profonde entre l’Iran et les Etats-Unis, ces derniers se retrouvant en grande difficulté pour négocier la libération de leurs compatriotes pris en otages. En effet, qu’un pays en développement du Proche-Orient inflige aux Etats-Unis une telle humiliation est une chose rare. Et le conflit géopolitique, qui s’annonçait déjà pendant les dernières années du règne du Shah, acquiert, avec cette crise, une forte dimension émotionnelle.

 

 

Notes de bas de page :

1: Pendant 2 500 ans l’Empire Perse, puis l’Iran est dirigé par un souverain appelé Shah. Toutefois, en 1906, le pays connaît une révolution constitutionnelle et en octobre 1906 est fondée la Majles, « Parlement ». Le régime passe alors d’une monarchie absolue à une monarchie constitutionnelle. D’après cette nouvelle constitution, les pouvoirs du Shah sont très vastes : il nomme le Premier ministre, convoque et dissout le Parlement, nomme les juges, commande les armées, mène la politique internationale et a le pouvoir de déclarer la guerre ou de signer la paix.

2 : L’Ayatollah est un des plus hauts titres dans l’organisation du clergé chiite. Les Ayatollahs sont considérés comme des experts de l’Islam en termes d’éthique, de jurisprudence ou encore de philosophie.

Par Marie Haupas

Bibliographie :

L’opération d’exfiltration des six diplomates américains est retracée dans le film Argo de Ben Affleck, sorti en 2012 et Oscar du meilleur film 2013. (Il est toutefois critiqué pour certaines inexactitudes, selon les médias canadiens : en effet, le Canada aurait joué un rôle bien plus important dans cette opération.)

https://www.washingtonpost.com/world/national-security/us-asked-french-to-broker-trump-rouhani-phone-call-but-iranian-president-said-no/2017/11/02/9addf436-bfea-11e7-959c-fe2b598d8c00_story.html?utm_term=.4777b31809de

http://www.slate.fr/story/63889/argo-en-vrai

https://www.herodote.net/19_aout_1953-evenement-19530819.php

https://www.monde-diplomatique.fr/2015/03/PARSI/52708

http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=43

https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_blanche

http://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/aujourd-hui lhistoire/segments/entrevue/19997/histo-otages-americains-iran-1979

http://www.museedelhistoire.ca/blog/le-subterfuge-canadien-ou-les-evades-diran-preserver-lhistoire-recente/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_des_otages_am%C3%A9ricains_en_Iran

https://fr.wikipedia.org/wiki/Constitution_de_l%27Iran

 

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