Idlib, ou le symbole de la guerre syrienne

Reading Time: 4 minutes

La pluie tombe sur la ville d’Idlib. Une pluie de cendres, une pluie de bombes. Accrochée à la frontière turque cette ville, dernier bastion des rebelles syriens, est le symbole de la guerre « civile » -qu’elle n’a que de nom- qui se joue en Syrie. 
Dans cette région où la mort est partout, 500 civils ont été tués depuis décembre selon l’ONU, 4 millions de personnes dont de nombreux réfugiés se trouvent entassés. Idlib réunît à elle seule toutes les problématiques de cette guerre syrienne devenue guerre régionale où s’entrecroisent l’armée syrienneloyaliste d’El-Assad, les Turcs, les Russes, les Iraniens, les rebelles libres et une nébuleuse djihadiste.

D’une ville sanctuaire à une ville mortuaire 

Tout au long de la guerre syrienne, la région d’Idlib a servi de zone de repli pour de nombreux syriens fuyant la guerre. Quand Homes a été bombardé ?  Idlib accueillait les réfugiés.Quand Alep était sous le feu des balles ? Idlib accueillait les réfugiés. Quand la Ghouta orientale était gazée ? Idlib accueillait les réfugiés.
Aujourd’hui, c’est Idlib qui est condamnée mais il n’y a plus personne pour accueillir les réfugiés. Cette ville au Nord-Ouest de la Syrie, était le passage obligé pour de nombreuses familles voulant trouver un asile chez le voisin turc. Or, actuellement la frontière franco-turque a été fermé. Les campements s’entassent inlassablement, désespérément. Idlib, lieu de passage des migrants est devenue une prison à ciel ouvert, un ciel d’où tombe les bombes et les gaz.

L’ONU met des mots simples pour expliquer ce qui se déroule dans cette région ; « la pire crise humanitaire ». 

Des réfugiés aux facettes bien différentes…

Parmi les nombreux réfugiés se trouvent des rebelles. Or, ces rebelles ont de multiples visages, de multiples revendications. Les contours des organisations rebelles sont flous et parfois poreux. Cependant, toutes les factions épousent le même objectif ; tenir face aux bombes du régime syrien. Mais se retrouvent aussi, confinées dans un même espace clos, 900 000 familles déplacées avec bien souvent des enfants, l’ONU en a compté 300 000. Eux, n’ont pour seul but : survivre. On trouve aussi de nombreux rebelles prodémocraties qui tentent depuis 2011 et les « Printemps arabes » de faire tomber la dictature familiale des El-Assad qui soumet le pays depuis 1970. Mais le gros des troupes rebelles sont des djihadistes soutenus par Turquie.

Le groupe Hayat Tahrir Al-Cham, roi d’Idlib 

Ce groupe terroriste islamiste est la principale raison des bombardements de l’armée syrienne. Soutenu insidieusement par la Turquie, cette nébuleuse islamiste règne désormais à Idlib. Créée en 2011 en plein cœur des Printemps arabes sous le nom du Front Al-Nosra par Abou Mohammed al-Joulani, proche d’Al-Qaida, elle avait pour but de renverser El-Assad. Affilié à Al-Qaida jusqu’en 2016, ce groupe terroriste s’est fait remarquer aussi pour avoir combattu Daesh notamment dans la province de Rakka. Après sa séparation à l’amiable en 2016 avec Al-Qaida, Al-Joulani transforme le Front-Al Nosraen Hayat Tahrir Al-Cham (HTC) en fusionnant avec 4 autres groupes djihadistes. Depuis, Al-Joulani règne sur la région d’Idlib. Pragmatique, le leader de HTC se revendique être le leader de la lutte contre Daesh, de l’Huras Al-Din, un germe d’Al-Qaida et bien entendu d’El-Assad. Peu à peu, HTC se transforme et délaisse son versant salafiste et renvoie ses dirigeants les plus extrêmes. Il n’en reste pas moins que ce groupe impose sa loi en prélevant les impôts par exemple. Et ce, avec le soutien de la Turquie dont le rôle reste flou. 

La Turquie d’Erdogan, une « source de paix » meurtrière

La décision en octobre de Donald Trump -pour qui Daesh est mort avec son leader Al-Baghdadi- d’un retrait des troupes américaines du sol Syrien a fait un heureux ; Recep TayyipErdogan.
Ce dernier qui lutte activement depuis une décennie contre les Kurdes turcs et les Kurdes syriens se voit octroyer un boulevard pour les réduire au silence. Il lance ainsi, le même mois, l’opération « source de paix » dont l’objectif est officiellement rétablir la paix à la frontière turco-syrienne, officieusement anéantir l’émergence d’un quasi-Etat kurde nommé le Rojava. Les Turcs déploient une armée composée de 8 divisions soit à peu près 80 000 hommes. Erdogan déploie aussi de nombreux avions dont certains entièrement made in Turkey et qui ont été présenté en France au Salon du Bourget en juin dernier. Ces avions fraichement arrivés dans la garde de robe militaire turque bombardent inlassablement les positions kurdes dont certaines dans la région d’Idlib.

En plus de cela, Erdogan n’hésite pas à financer les groupes rebelles dont la plupart sont affiliés au terrorisme djihadiste. Le président turc veut à tout prix éviter de voir l’afflux de migrants traversés la frontière et ne veut surtout pas laisser l’opportunité aux Kurdes de prendre possession d’Idlib. Pour cela, il met la pression à l’UE et l’OTAN en ouvrant certaines frontières avec la Grèce par exemple. Erdogan n’a pas non plus peur d’aller à l’affrontement avec son homologue syrien, pourtant soutenu par la Russie et l’Iran, en détruisant des unités loyalistes syriennes. Jusqu’où ira-t-il, lui qui entend retrouver la splendeur de l’Empire Ottoman à son pays ? Personne ne le sait.

​El-Assad et le cimetière syrien 

Il est encore là. Depuis presque 10 ans son pays est à feu et à sang. Pourtant, dans ce carnage funeste Bashar el-Assad continue de régner sur la Syrie. Une Syrie meurtrie, détruite par son propre dirigeant.
Après avoir sauvagement réduit à néant une grande partie du territoire dont récemment la Ghouta orientale, le « Boucher de Damas » s’évertue à démolir ce qu’il reste de la rébellion dans la région d’Idlib. Pour cela, il n’hésite pas à outrepasser les droits internationaux en utilisant des armes chimiques voire même biologiques, tortures et bombardements de lieux civils, ses principales cibles étant les hôpitaux. Malgré les récents accords de cessez-le-feu, le dictateur syrien, protégé par la Russie et l’Iran, n’entend pas laisser Idlib aux mains des rebelles ou encore des Turcs.

Condamné par l’ONU et parfois sanctionné par quelques bombardements des puissances occidentales dont la France, le roi de Damas semble pourtant infatigable voire intouchable. Son royaume n’est fait que de cadavres et de cendres mais el-Assad n’en a que faire tant qu’il est assis sur son trône. 

​Le coronavirus, un nouveau protagoniste mortel 

Si la situation n’est pas déjà catastrophique, elle risque de s’empirer encore et encore. Le monde est frappé aujourd’hui par une pandémie mondiale qui ne cesse de s’étendre. Idlib ne fait pas figure d’exception bien au contraire. L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) se dit « très préoccupée » par la menace du Covid-19.
Damas a annoncé mi-mars les premiers cas son territoire. Entassée, épuisée, la population d’Idlib est particulièrement à risque face au virus, dans cette région où les médecins et hôpitaux se font de plus en plus rare.  Les ONG et l’OMS organisent au mieux la lutte face à ce nouvel ennemi invisible mais tout aussi impitoyable que les autres pour les civils. 

L’ONU, les ONG ou encore les grands reporters ont beau multiplier les appels à l’aide, ont beau témoigner de ce qui se trame à Idlib, il semble que la machine infernale n’est pas prèsde s’arrêter. Que ce soit Merkel, Trump ou Macron, aucun dirigeant occidental n’arrive à enrailler l’autodestruction de la Syrie. L’émergence d’un retour de Daesh n’est pas non plus à laisser de côté. 

Aujourd’hui, seul le rire de quelques enfants résonne à Idlib.Des rires pour tenir face à la terreur. Des rires pour contrer l’horreur de la guerre1

Le Parisien, « Des rires contre les bombes : en Syrie, la belle idée d’un père pour «protéger» sa fille », 18/02/2020

Laisser un commentaire

Fermer le menu